
Beaucoup de bruit autour de la nouvelle directive des eaux de baignades. Des craintes et des espoirs aussi, de la part des communes littorales comme des usagers de la mer. Qu’en est-il réellement ? On fait le point.
La directive de 1975 et son application
Aujourd’hui, le suivi et la gestion de la qualité des eaux côtières et intérieures où se pratique la baignade sont réglementés par la directive du Conseil des Communautés Européennes n° 76/160/CEE du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade. Cette directive transposée par décret en droit français en 1981, fixe des critères minima de qualité et donne les indications générales sur les mesures à prendre pour en assurer la surveillance.
Qu’impose-t-elle ? La prise en compte de cinq paramètres microbiologiques, ainsi que quatorze paramètres physico-chimiques. Chaque État membre fixe ses propres valeurs dans le cadre des limites fixées par la directive; lorsque celle-ci ne prévoit pas de valeurs pour certains des paramètres, les États membres ne sont pas dans l’obligation d’en arrêter.
Des prélèvements sont effectués au cours de la saison avec une fréquence au minimum bimensuelle. A l’issue de la saison, un classement de chaque site de baignade est établi à partir des résultats.
La nouvelle directive 2006/7/CE du Parlement européen et du Conseil
La directive actuellement en vigueur est l’un des actes législatifs de l’Union Européenne les plus anciens. Les connaissances scientifiques et techniques sur lesquelles elle s’appuie reposent sur des conceptions « environnementales » désuètes. Il était donc nécessaire de réviser les textes afin d’y intégrer les progrès en épidémiologie, en gestion de la surveillance ou les besoins d’information du public.
Le 24 octobre 2002, la Commission européenne (CE) a donc adopté la proposition de révision de la directive n° 76/160/CEE. Par la suite, un texte commun a été approuvé par le Comité de conciliation le 12 octobre 2005. La nouvelle directive 2006/7/CE a été finalement adoptée par le Parlement et le Conseil le 15 février 2006.
Dans son application concrète, la nouvelle directive exige au minimum quatre prélèvements qui devront être effectués par saison balnéaire, avec des normes différentes entre les eaux douces et les eaux de mer. Le premier classement devra être effectué au plus tard fin 2015 à partir des données de la saison balnéaire en cours, en tenant également compte des résultats des 3 années précédentes (voir tableau I).Tableau I : Valeurs seuils et classes de qualité proposées pour les eaux littorales par la directive 2006/7/CE
* Pour qu’une eau de baignade soit classée dans une catégorie de qualité donnée, il faut que les percentiles des résultats de dénombrement sur les deux indicateurs microbiologiques soient inférieurs aux valeurs seuils de la classe de qualité considérée.
** UFC/100mL : unités formant colonie détectées dans 100mL d’échantillon.
Les principales évolutions de la directive
Les paramètres contrôlés
Alors que la directive de 1975 établissait 19 paramètres à surveiller (physiques, chimiques, microbiologiques et esthétiques), seul le suivi de deux paramètres microbiologiques, considérés comme d’excellents indicateurs de la contamination fécale, les entérocoques intestinaux et Escherichia coli, a été conservé. Le choix des valeurs seuils concernant ces deux paramètres repose sur l’étude épidémiologique de l’Organisation Mondiale de la Santé.
La classification de la qualité de l’eau d’un site de baignade sera déterminée à partir des données recueillies sur quatre saisons balnéaires, et non plus sur la base des résultats d’une seule année, comme c’est actuellement le cas. La classification sera donc moins sensible aux mauvaises conditions climatiques ou aux pollutions accidentelles.
Une meilleure information du public
Une des revendications des associations de protection de l’environnement vis-à-vis de cette nouvelle directive était une meilleure information du public. La directive 2006 y répond et propose également une participation du public. En effet, des moyens devront être mis en place de sorte à donner au public l’occasion de :
s’informer sur la manière de participer,
formuler suggestions, remarques, réclamations.
L’accès du public à l’information sur la qualité de l’eau, le classement, les profils des eaux de baignade, et les explications en cas de fermeture se feront au moyen d’affiches placées à l’entrée des plages et par l’intermédiaire des médias et d’Internet, à partir du début de la saison balnéaire 2012.
Gestion des eaux de baignade
Un « profil des eaux de baignade » devra être réalisé pour chaque site afin de réduire le plus possible les risques auxquels les baigneurs pourraient être exposés.
Ce profil devra se baser sur :
la description des caractéristiques physiques, géographiques et hydrologiques ;
l’identification et l’évaluation des sources de pollution ;
l’évaluation du potentiel de prolifération des cyanobactéries ;
l’évaluation du potentiel de prolifération de macro-algues et/ou du phytoplancton.
Pourquoi Surfrider Foundation n’est pas satisfait de cette nouvelle directive
Malgré des avancées importantes, le texte final est loin des ambitions initiales de cette nouvelle directive, dont le champ d’application est trop restreint. En effet, l’association souhaitait que cette directive incorpore dans son champ d’application les zones d’activités nautiques. Actuellement, les lieux de loisirs nautiques ne font l’objet d’aucun suivi, ce qui sera toujours le cas avec la nouvelle directive. Ainsi, les usagers de l’océan dans ces périmètres élargis sont soumis aux mêmes risques sanitaires que les baigneurs sans toutefois bénéficier des mêmes garanties.
Par ailleurs, les pratiquants d’activités nautiques tout comme certains baigneurs exercent leurs activités tout au long de l’année ; c’est pour cela que l’association avait souhaité un suivi sur l’ensemble de l’année, et non pas seulement sur la période estivale.
Un suivi incomplet
Si la directive actuelle manque d’ambition en ce qui concerne le contrôle des pollutions chimiques, force est de constater que la nouvelle directive les ignore complètement. Il n’y aura donc aucune prise en compte des pollutions chimiques pour la surveillance et le classement des eaux de baignade.
Conclusion, cette nouvelle directive apporte son lot de satisfactions mais aussi des lacunes importantes. Un des points marquants de ces évolutions est le durcissement des seuils bactériologiques. Une des conséquences pourrait être la fermeture de nombreuses plages en France et en Europe. Pour en savoir plus téléchargez notre étude des conséquences de l’application de la nouvelle directive.
auteur: Olivier Barrière
Responsable environnement, Surfrider Foundation Europe