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Directive sur les Eaux Usées : une mise à jour cruciale pour protéger l’Océan et notre santé

Chaque été, une grande partie de la population française (et européenne) se tourne vers les côtes françaises pour profiter des bienfaits de l’Océan.
Le problème : si l’eau dans laquelle nous choisissons de nous baigner semble, en apparence, parfaitement claire et limpide (ce qui n’est pas toujours le cas d’ailleurs), elle est considérablement polluée.
Parmi les multiples sources de pollution identifiées, l’une d’entre elles a particulièrement retenue notre attention ces derniers mois : les eaux résiduaires urbaines.

Les eaux résiduaires urbaines sont des eaux usées issues des foyers, de certaines industries et des ruissellements urbains, qui agissent comme le reflet direct de nos habitudes de consommation. Elles véhiculent, entre autres, une multitude de produits pharmaceutiques, d’additifs alimentaires, de résidus de produits de nettoyage ou encore d’hygiène personnelle, représentant alors un risque de pollution biologique, bactériologique ou même chimique, que les stations d’épuration actuelles ne sont pas toujours équipées pour traiter efficacement.
Or si cette pollution n’est pas correctement gérée, elle finira par être déversée dans notre environnement, mettant en péril les écosystèmes aquatiques et marins, ainsi que notre propre santé.
Dans ce contexte, la gestion adéquate des eaux résiduaires urbaines devient un élément essentiel pour la préservation de l’environnement et de la santé humaine : il est impératif que ces eaux soient collectées et traitées de manière appropriée afin d’éviter au maximum d’être une source de pollution environnementale.

De la nécessité de mettre à jour la Directive des Eaux Résiduaires Urbaines

L’adoption, en 1991, de la Directive des Eaux Résiduaires Urbaines (DERU), représente un élément crucial dans la réglementation visant à protéger l’environnement et la santé publique contre les effets néfastes des rejets d’eaux urbaines contaminées. Cependant, si elle a été un jour efficace, il est désormais clair que cette directive présente désormais de nombreux écueils et ne parvient plus à adresser efficacement les nombreux défis et sources de pollution actuels.

Face aux préoccupations croissantes concernant la pollution de l’eau et son impact sur l’environnement et la santé humaine, la Commission européenne a décidé, en 2019, d’évaluer l’efficacité de la DERU et sa capacité à répondre aux besoins et défis actuels.
Cette évaluation a révélé que la directive a permis, lorsqu’elle était bien appliquée au sein des pays membres de l’UE, de réduire significativement les charges polluantes rejetées dans l’environnement, notamment en ce qui concerne les polluants bactériologiques. Malheureusement, si des progrès ont été observés concernant le traitement des eaux usées, beaucoup de problèmes sont encore à déplorer.
Parmi eux le manque de conformité ou encore le mauvais traitement des sources des pollutions observées constituent un réel problème. Outre ces éléments liés directement à la transcription et au respect de la directive dans les pays de l’EU, l’émergence de nouveaux défis tels que le changement climatique ou l’apparition de nouveaux contaminants soulèvent de nouvelles préoccupations quant à l’efficacité de ce texte.
Il était donc impératif que des mesures soient prises pour moderniser et renforcer cette directive afin de répondre aux défis actuels en matière de qualité de l’eau et de protection de l’environnement.

Les points cruciaux à revoir nos experts

Faisant face à ce constat, la commission a lancé, en 2020, un appel à contribution sur l’évaluation de la Directive suivi d’une consultation publique en vue d’une révision de celle-ci.
L’Océan, et plus spécifiquement les zones de baignade ou d’activités récréatives situées à proximité des littoraux, sont directement affectés par les eaux usées mal ou non collectées (infrastructures d’assainissement détériorées ou non conformes) ou encore les débordements d’eaux pluviales et ruissellements urbains.
C’est la raison pour laquelle, déjà très impliqué dans la thématique de la qualité des eaux de loisirs, Surfrider a saisi l’opportunité de contribuer à ce vaste chantier, mobiliser sa communauté et faire part de ses recommandations et demandes visant à limiter au maximum la pollution résultant des eaux usées.

Car si la directive a permis de réaliser de grands progrès dans le traitement des eaux usées municipales, il reste des points réellement problématiques qu’il est impératif de renforcer ou d’intégrer à la révision, et ce d’autant plus que celle-ci donnera lieu au texte de référence sur le sujet pour les prochaines décennies :

1️⃣ La directive a désormais plus de 30 ans et n’est pas adaptée aux nouvelles préoccupations, telles que la pollution des masses d’eau par des contaminants émergents (résidus pharmaceutiques ou les microplastiques issus de la consommation humaine) et de l’élimination incorrecte des déchets.

2️⃣  La directive régit les stations d’épuration des eaux usées parmi lesquelles beaucoup ne sont aujourd’hui plus aux normes (par rapport au texte de 1991) ou mal (voire pas du tout) équipées pour gérer et traiter les pollutions émergentes, notamment les pollutions chimiques. Or à l’heure actuelle, le texte en vigueur ne les oblige, a aucun moment, à se mettre en conformité.

3️⃣ Les débordements d’égouts et les eaux de ruissellement des zones urbaines (pavées) peuvent être des vecteurs de pollution de l’eau. Ces eaux usées transportent des plastiques/microplastiques et des résidus chimiques (provenant de la poussière des pneus, des matériaux de marquage routier, des pesticides, des produits industriels, de nettoyage et chimiques) jusqu’au station d’épuration qui peuvent, selon le volume entrant, se retrouver saturées et ne pas traiter les eaux. Malheureusement l’augmentation des fortes précipitations, attendues à l’avenir et en lien direct avec le changement climatique, entrainera des débordements de plus en plus fréquents et donc une pollution plus importante de l’Océan en lien avec ces substances. Des incidents de ce type (débordements etc.) ne sont pas, aujourd’hui, suffisamment pris en compte par la directive.

4️⃣ La directive actuellement en place, n’encadre pas les systèmes individuels et autres systèmes appropriés, qui peuvent se substituer aux systèmes de collecte centralisé et poser problèmes s’ils sont mal gérés et non contrôlés.

Quelques déceptions et une immense victoire

Suite a la consultation publique qu’elle a lancé, la Commission a publié sa proposition de révision de la Directive fin 2022. Le texte a été amendé et retravaillé successivement par les trois institutions européennes jusqu’à ce qu’un accord ait été trouvé entre elles au terme de plus de 2 ans de travail.

Si la nouvelle version de la DERU, qui a finalement fait consensus après la période de trilogue, intègre en effet de nombreux éléments qui nous semblaient incontournables, les équipes de Surfrider restent un peu sur leur faim. Il nous semble que cette nouvelle mouture manque malheureusement d’ambition et de fermeté.
Ce qui est d’autant plus regrettable dans la mesure où elle est censée établir la voie pour les prochaines décennies en matière de traitement des eaux usées.

Parmi les points qui nous semblent discutables figurent notamment :

⌛ Un certain laxisme quant au calendrier imposé

La directive de 1991 sur la gestion des eaux usées a été révisée pour introduire des normes plus strictes et plus claires, axées sur la protection de la santé humaine et de l’environnement. Cette nouvelle proposition met en œuvre des exigences renforcées pour la collecte et le traitement des eaux urbaines, tout en garantissant un meilleur accès à l’assainissement.
Cependant, elle présente un calendrier d’application beaucoup plus étendu et plusieurs possibilités de dérogation, ce qui pourrait entraîner une mise en œuvre inégale à travers l’Union Européenne et des effets retardés dans la gestion des eaux usées.

🧪 L’introduction d’une nouvelle étape de traitement pour lutter contre les pollutions chimiques

La révision de la DERU intègre une nouvelle étape de traitement supplémentaire, le traitement quaternaire, dans les grandes et certaines stations d’épuration de taille moyenne.
C’est là l’un des éléments les plus novateurs de ce texte. Cette étape vise à éliminer les micropolluants et réduire les substances nocives dans les eaux.
La Commission européenne avait initialement proposé que cette nouvelle étape de traitement concerne les stations traitant les eaux de plus de 100 000 habitants ainsi que celles de 10 000 habitants situées dans des zones à risque.
Cependant, après des discussions approfondies, la décision finale exige ce traitement pour les stations desservant 150 000 habitants et plus (augmentant ainsi le seuil de 50 000 habitants) et précise que les délais d’application pourront être prolongés de 3 à 10 ans.
Cette décision est significative car la pollution chimique est particulièrement élevée et problématique dans les grandes agglomérations. Il y avait donc un enjeu important à maintenir la norme originale pour toutes les stations d’épuration desservant plus de 100 000 habitants.

☔ L’intégration de la gestion des eaux de pluie : une mesure attendue mais encore trop faible

Le texte propose des plans de gestion intégrée pour combattre la pollution causée par les déversoirs d’orage et le ruissellement urbain, reconnaissant leur impact négatif. Cependant, les objectifs de ces plans sont décrits comme « indicatifs et non contraignants« , ce qui risque de les rendre inefficaces. De plus, les délais de mise en œuvre ont été prolongés de 3 à 5 ans, ce envoyant alors des messages contradictoires quant à l’urgence de lutter contre les débordements d’eaux pluviales et la pollution des milieux aquatiques et marins.

⚖️ L’affaiblissement du principe de pollueur-payeur

L’introduction d’un système de responsabilité élargie des producteurs (REP), ciblant particulièrement les industriels (pharmaceutiques et cosmétiques), dans le contexte du traitement avancé des micropolluants dans les eaux usées, est une avancée notable. Malheureusement, celui-ci a été partiellement affaibli durant la phase de travail du texte, ne faisant plus payer aux industriels que 80% des coûts et laissant 20% à la charge des autorités publiques. Ce compromis envoie un message mitigé : bien que les industries soient reconnues responsables, elles ne supporteront pas la totalité des coûts, forçant ainsi les citoyens à contribuer financièrement à la résolution d’un problème principalement causé par ces mêmes industries. Les dispositions actuelles ferment également la porte à tout élargissement de la REP à d’autres secteurs responsables de l’émission de micropolluants dans les eaux usées.

Nous nous félicitons vivement du vote d’aujourd’hui car le texte négocié présente des améliorations indéniables par rapport à une directive vieille de 30 ans. Cependant, nous ne pouvons pas nous empêcher d’éprouver des sentiments contradictoires, car les institutions avaient la possibilité de rehausser audacieusement les ambitions du texte et d’accélérer notre progression vers l’objectif de pollution zéro de l’UE. Nous regrettons que le texte actuel manque plusieurs occasions de répondre à nos attentes, mais nous restons convaincus qu’avec une mise en œuvre solide, nous obtiendrons des eaux plus saines partout en Europe

Lucille Labayle, chargée de mission qualité de l’eau et santé à la Surfrider Foundation Europe

🎉 Une avancée historique dans la lutte contre la pollution par les biomédias

S’il est une victoire dont nous pouvons nous réjouir et même, nous féliciter, c’est celle relative à l’intégration, dans la nouvelle version de la directive, de la mention de la pollution par les biomédias.
Après de très nombreux mois d’un travail acharné des experts et des lobbyistes de Surfrider mais également de notre communauté de bénévoles, très engagée sur le sujet, celle-ci a enfin été reconnue par les institutions européennes.
En effet, c’est la première fois qu’un règlement de l’UE emploie une terminologie spécifique et fournit une définition complète et précise des biomédias, marquant un tournant dans la gestion de la pollution.
Le texte adopté mentionne que les États membres seront désormais légalement tenus d’établir une base de données détaillée sur toutes les stations d’épuration utilisant des biomédias sur leur territoire.
À cela s’ajoute l’obligation, pour les opérateurs de ces installations, de prendre des mesures de surveillance et de prévention, avec une réglementation et des autorisations nécessaires.
Bien qu’il doivent notifier uniquement les déversements significatifs aux autorités compétentes, ce qui peut sembler une limite, cette avancée reste significative dans la lutte contre la pollution par les biomédias.

Surfrider se réjouit que le Parlement ait pris en compte ses demandes et se soit engagé en faveur de la lutte contre la pollution par les biomédias. Cette source de pollution, connue pour ses effets néfastes sur l’écosystème marin en raison de la contamination microplastique et chimique, a enfin reçu l’attention qu’elle mérite.
La révision des réglementations pour inclure cette préoccupation critique et promouvoir des mesures préventives obligatoires dans les stations d’épuration représente un pas en avant important vers la réduction des pertes environnementales, tant chroniques qu’aiguës.

Nous notons les efforts fournis par les institutions européennes pour améliorer le texte de la DERU. Certains points représentent des avancées significatives pour lutter contre la pollution de l’Océan par les eaux usées, notamment celui de la prise en compte des biomédias. Toutefois nous regrettons qu’elles se soient arrêtées à mi-chemin, en affaiblissant nombre des propositions initialement formulées par la commission, multipliant les dérogations et allongeant les délais de mise en oeuvre des mesures.
Il nous semble que le texte proposé n’est pas encore tout à fait adapté aux défis qui nous attendent durant les prochaines décennies. Malgré quelques déceptions, la nouvelle directive sur les eaux usées reste un instrument essentiel de l’UE et une feuille de route pour lutter contre la pollution de notre environnement aquatique et marin.
En raison de la procédure de rectificatif, le texte final de la directive ne devrait pas être formellement approuvé et publié au Journal officiel de l’Union européenne avant l’automne de cette année. Surfrider Foundation et le BEE appellent les décideurs de l’UE à garantir un processus rapide et à faire en sorte que la directive entre en vigueur dès que possible afin de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’eau dans l’ensemble de l’UE.