La Commission européenne veut démanteler les protections environnementales : 470 organisations tirent la sonnette d’alarme

Au cours de l’été, la Commission européenne a discrètement lancé un « appel à témoignages » à rendre avant le 10 septembre, invitant les entreprises, les organisations et les citoyens à donner leur avis sur l’opportunité d’assouplir la législation environnementale de l’UE sous prétexte que celle-ci nuit au business et bloque l’innovation.

Cette démarche annonce une transformation radicale de la politique européenne. En effet, neuf mois après son entrée en fonction, pour aller dans le sens d’un assouplissement de la règlementation environnementale et alléger le poids des règlementations qui pèsent sur les entreprises, la Commission européenne prévoit une vague sans précédent de simplification.

Une "simplification" qui cache
la dérèglementation

Cependant, ce que la Commission appelle « politique de simplification » n’est en réalité rien d’autre qu’une politique de coupes drastiques dans les réglementations protégeant les droits du travail, les droits sociaux et les droits humains, ainsi que les droits numériques et l’environnement.

Concrètement, cela signifie le démantèlement des lois qui protègent la nature en Europe. Ces lois qui limitent la pollution et les extractions, protègent les espèces rares, restaurent les zones humides et préservent les forêts anciennes. Celles-là même qui préservent les paysages qui nous fournissent de l’air pur, de l’eau douce et des sols fertiles, tous essentiels à notre survie.

Or, sans ces protections, notre filet de sécurité se désagrège. Des forêts centenaires pourraient être exploitées avec moins de restrictions. Les zones humides qui stockent le carbone et préviennent les inondations pourraient être asséchées.

mobilisation de la
société civile

agir

Face à cette politique mortifère qui s’annonce, et à la veille du discours de la présidente Ursula von der Leyen sur l’état de l’Union devant le Parlement européen, plus de 450 organisations membres de la société civile ont signé une lettre ouverte, pour appeler la présidente de l’UE et les membres de la Commission à stopper leur entreprise de détricotage des législations environnementales européennes.

Dans cette lettre, les ONGs dénoncent notamment la mise en place de mesures permettant aux entreprises d’avoir une place à la table des décideurs politiques européens, leur laissant la possibilité d’influencer les réflexions et décisions, quand les organismes qui agissent dans l’intérêt public en sont exclus.

Des reculs déjà alarmants
dans tous les domaines

Les organisations avertissent qu’au cours des quatre prochaines années, la Commission et les États membres de l’UE pourraient démanteler les règles qui régissent les entreprises opérant dans l’UE à une échelle qui fera reculer de plusieurs années les progrès en matière de protection de l’environnement, de droits sociaux, de droits numériques et de politiques climatiques.

Plusieurs reculs sont déjà particulièrement alarmants :

Environnement et santé publique menacés

Au nom de la simplification ou de la compétitivité économique, la Commission européenne propose de supprimer ou d’affaiblir plusieurs protections importantes pour l’environnement et la santé :

  • Elle envisage de retirer les règles environnementales de la politique agricole européenne, mettant en péril la protection de certains écosystèmes tels que les zones humides et les tourbières
  • Elle envisage également d’assouplir certaines lois concernant les produits chimiques dans les cosmétiques ou encore les polluants chimiques éternels (PFAS)
  • Elle étudie la possibilité de revoir les règles d’étiquetage informant les consommateurs sur les produits dangereux

Moins de transparence et de responsabilité pour les entreprises

Par ailleurs, la Commission européenne a déjà considérablement réduit les obligations des entreprises dans deux domaines essentiels :

  • D’une part, concernant la surveillance des chaînes de production : les entreprises ont maintenant moins d’obligations de vérifier ce qui se passe chez leurs fournisseurs à l’étranger (exploitation, pollution, etc.).
  • D’autre part, au niveau de la transparence : les entreprises ont moins d’obligations de rendre public ce qu’elles font réellement pour l’environnement et les droits humains.



Il est donc plus difficile de savoir si les entreprises respectent vraiment leurs engagements environnementaux et sociaux, et elles ont moins de contraintes légales de bien se comporter.

Un allègement de pression pour les pollueurs

Simultanément, les entreprises qui polluent bénéficient d’un allègement de pression : les plans obligatoires qui devaient forcer les usines polluantes à devenir plus écologiques prennent du retard.

Elles ont donc moins de contraintes immédiates à changer leurs pratiques, ce qui nuit à la fois à la transparence (on sait moins ce qu’elles font) et à leur responsabilisation (elles ont moins de comptes à rendre).

Des objectifs climatiques trompeurs

Enfin, concernant les ambitions climatiques, la Commission européenne a annoncé vouloir réduire les émissions de gaz à effet de serre de 90% d’ici 2040. Cependant, cette proposition contient des « contortions » et « assouplissements » assez inquiétants, notamment l’autorisation d’utiliser des « crédits internationaux ».

Cela signifie que les pays européens pourraient compenser une partie de leurs émissions en finançant des projets écologiques dans d’autres pays, au lieu de réduire directement leur propre pollution.

Cette approche présente plusieurs défauts :

  • Elle permet aux entreprises européennes de continuer à polluer en payant pour des compensations ailleurs
  • Elle affaiblit l’effort réel de transformation écologique de l’Europe



En résumé, les opposants estiment que cette politique privilégie les intérêts économiques des entreprises plutôt que l’urgence climatique, en créant des moyens détournés d’éviter les vraies réductions d’émissions.

Une telle politique de dérèglementation représente un risque de conforter les positions de certaines forces politiques extrêmes et/ou antidémocratiques mais aussi de favoriser la corruption et de ralentir la prise de décisions concernant les sujets les plus urgents, notamment en ce qui concerne le changement climatique et la protection de l’environnement.

L'inaction coûte plus cher
que la protection

À long terme, l’idée fausse selon laquelle il est trop coûteux de protéger les personnes et l’environnement aujourd’hui aura un coût irréversible sur notre santé, notre sécurité, nos droits, notre équité et notre liberté demain.

Les faits démontrent l’inverse : c’est bien l’absence de protection environnementale qui représente le véritable coût économique. La Commission elle-même l’a reconnu en publiant en 2025 un rapport chiffrant le coût de la mauvaise application des lois environnementales actuelles. Le bilan est édifiant : entre les décès prématurés, les dépenses de santé, les opérations de dépollution, la baisse de productivité et les dommages matériels, l’Union européenne subit une perte annuelle de 180 milliards d’euros, directement liée à ses défaillances dans la protection de la nature.

 

Les lois de l’UE sur la nature protègent quelque chose qui nous appartient à tous : notre maison, notre avenir, notre droit. Face à cette offensive de déréglementation, il est essentiel que la société civile continue à se mobiliser pour préserver les acquis environnementaux européens et exiger une véritable transition écologique, plutôt que des mesures cosmétiques qui privilégient les profits à court terme au détriment de notre survie collective.

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