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Déplastification : les entreprises sont lentes à sortir de leur dépendance au plastique 

Un an après la mise en demeure de neuf grandes entreprises françaises de réduire leur utilisation de plastique par ClientEarth, Surfrider Foundation, et Zéro Waste France, l’engagement pour une véritable trajectoire de déplastification est encore loin d’avoir commencé comme l’explique un rapport sur l’évolution des plans de vigilances de ces entreprises, publié aujourd’hui. 

Une mise en demeure pour remédier à un monde inondé de plastique 

Dans un monde dans lequel la production mondiale de plastique a presque doublé entre 2000 et 2019 et pourrait encore tripler d’ici à 2060, et dans lequel seuls 9 % des plastiques sont réellement recyclés, les entreprises doivent se déplastifier.

Se déplastifier, c’est planifier et mettre en œuvre la réduction drastique de la production et l’utilisation de tous les plastiques dans les activités économiques, tout au long de la chaine de valeur, et en cohérence avec les principes de l’économie circulaire. 

Il y a un an jour pour jour, neuf entreprises de l’agroalimentaire et de la grande distribution ont été mises en demeure de réduire leur utilisation de plastique par Surfrider Foundation Europe, ClientEarth et Zero Waste France pour manquement à leur devoir de vigilance en matière de pastique : Auchan, Carrefour, Casino, Danone, Lactalis, McDonald’s France, Les Mousquetaires, Picard Surgelés et Nestlé France.  

Ces entreprises sont connues pour les très grandes quantités d’emballages plastique à usage unique qu’elles mettent chaque année dans nos placards et nos poubelles, comme les pots de yaourt, les bouteilles ou les sachets de pâtes. Mais ce n’est que la face visible du problème. Dans l’ombre, se cachent une foule d’autres plastiques également problématiques : les emballages logistiques, les plastiques agricoles et industriels, les plastiques utilisés par les salariés, les fournisseurs ou les distributeurs notamment. 

La mise en demeure de ces entreprises faisait suite à l’analyse des plans de vigilance que doivent obligatoirement publier les entreprises françaises de plus de 5 000 salariés lorsque leur siège social est en France. Ces dernières ont en effet l’obligation d’identifier, de hiérarchiser et de cartographier les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé et à l’environnement qui résultent de leurs activités, de celles de leurs fournisseurs et sous-traintants , et d’adopter des actions adaptées de prévention et d’atténuation.

Or, le plastique est source de risques et d’atteintes graves pour la santé, l’environnement et les droits humains (voir notre encadré en fin d’article). 

Lire : 9 entreprises mises en demeure pour non-respect du devoir de vigilance lié à leur utilisation de plastique 

1 an après leur mise en demeure, le compte n’y est toujours pas 

En 2022, les actions d’atténuation des risques liés au plastique figurant dans les plans de vigilance des entreprises étudiées étaient parfois incomplètes ou insuffisantes voire d’autres fois, complètement absentes. Finalement, certaines entreprises pourtant soumises à l’obligation de vigilance, n’avaient tout simplement pas publié de plan.  

En un an, le fléau du plastique a continué à faire parler de lui. Un traité international pour mettre fin à la pollution plastique est d’ailleurs en cours de négociations au sein des Nations-Unies. Cette année se présentait donc comme une opportunité pour les entreprises de passer à l’étape supérieure, en intégrant à leur plan de vigilance de véritables mesures visant à identifier les risques liés à la pollution plastique et à en éviter les effets délétères

Alors, 1 an après, où en sont-elles ?  


Début 2023, nous avons de nouveau analysé les plans de vigilance de ces 9 entreprises. Notre analyse complète, disponible dans un rapport que nous publions ce jeudi 28 septembre, a conduit au bilan suivant : les entreprises sont comme des nageurs face au grand bain. La course a déjà commencé, l’urgence est là, et pourtant chacune reste sur le bord du bassin. 

Si plusieurs d’entre elles semblent certes mieux comprendre les risques liés à l’utilisation du plastique et mieux reconnaitre l’urgence de se déplastifier, elles tardent cependant à se lancer dans la course à la déplastification. Et certaines – encore à la traine – échouent à appréhender les risques et à agir pour les réduire.  


Pire : un an après notre mise en demeure, certaines entreprises n’ont même pas encore publié de plan de vigilance.  

Si les groupes Casino et Lactalis ont publié de nouveaux plans de vigilance, ils ne contiennent aucun progrès substantiel sur la question du plastique.  

Nestlé France n’a toujours pas publié de plan de vigilance en 2022 et son plan de vigilance 2021, publié après notre mise en demeure, restait insatisfaisant.

Quant aux groupes les Mousquetaires, Auchan et Carrefour, les nouveaux plans de vigilance publiés reconnaissent la gravité des risques liés au plastique, mais n’aboutissent sur aucune trajectoire de déplastification.

Les groupes McDonald’s France et Picard, ne disposent toujours pas, un an après, de plan vigilance intégrant le risque plastique, arguant qu’ils ne sont pas concernés par l’obligation de publier un plan de vigilance.

Finalement, Danone, malgré notre assignation en justice, n’a pas de bilan complet de son empreinte plastique, de suivi de réduction du plastique ni de trajectoire de déplastification

Lire le rapport complet 

Il est temps de se jeter à l’eau ! La déplastification doit être la priorité 

La course à la déplastification demande investissements, lucidité, connaissance de soi, et détermination.  

Pour rappel, la loi sur le devoir de vigilance oblige les très grandes entreprises à publier un plan de vigilance permettant d’identifier, de hiérarchiser et de cartographier les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé et à l’environnement qui résultent de leurs activités, de celles de leurs fournisseurs et sous-traintants , et d’adopter des actions adaptées de prévention et d’atténuation de ces risques.

Pour s’y conformer, les entreprises mises en demeure doivent aujourd’hui respecter 4 règles d’or : 

  • La première est de comprendre les enjeux de la course vers la déplastification.  
    Pour un plan vraiment vigilant il est impératif que les entreprises identifient l’ensemble des risques liés à l’utilisation du plastique tout au long de sa durée de vie. 
  • La deuxième est de mesurer la taille du bassin : Les entreprises utilisent aujourd’hui du plastique, mais en quelle quantité ? Autrement dit, quel effort devront-elles fournir pour se déplastifier ? Pour cela, rien de tel que de publier un bilan plastique complet comptabilisant tous les plastiques utilisés par l’entreprise, tant vers l’amont (fournisseurs et sous-traitants) que vers l’aval (clients) de leurs activités. 
  • La troisième est de planifier : Tout comme une course exige des objectifs de performance et de temps précis, chaque entreprise doit se fixer des objectifs de réduction du plastique datés et chiffrés. L’ambition de la trajectoire de déplastification doit être adaptée à l’urgence et à la dépendance de l’entreprise au plastique. 
  • La dernière est de surveiller le chronomètre ! Même si rien ne remplace une planification minutieuse, un suivi attentif et régulier permet d’identifier les obstacles qui surgissent durant la course et de prendre des décisions rapidement pour y remédier sans tarder. 

Les entreprises doivent désormais se jeter à l’eau.  
Aurons-nous de bonnes surprises dans les plans de vigilance publiés l’année prochaine ? 


Tout au long de sa vie, le plastique génère des impacts graves sur l’environnement, la santé et les droits humains

Depuis son invention, l’utilisation du plastique n’a fait que croitre au détriment de l’environnement, la santé et des droits humains.  

À chaque étape de leur cycle de vie, les plastiques libèrent des substances dangereuses qui contaminent l’air, l’eau et le sol, et contribuent au changement climatique. Rien qu’en 2019, 22 millions de tonnes de plastique – soit l’équivalent du poids de 2178 Tours Eiffel – ont été rejetées dans l’environnement d’après l’OCDE1

Les écosystèmes marins sont particulièrement touchés par la présence croissante de plastiques. Une fois qu’ils ont coulé dans les profondeurs, ils se décomposent et y restent, menaçant les espèces marines et empoisonnant l’ensemble de la chaîne alimentaire en libérant leurs additifs chimiques. Mais les écosystèmes marins ne sont pas les seuls affectés : d’après la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), les sols sont encore plus contaminés par la pollution plastique que les océans2.  

De sa production à sa fin de vie, le plastique est un très grand contributeur au changement climatique. En 2021, le plastique à usage unique a représenté l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre du Royaume-Uni3. Si la production de plastique continue de croitre, elle pourrait sérieusement compromettre le bon respect de l’Accord de Paris4.  

  1. OECD, “Global Plastics Outlook: Economic drivers, environmental impacts and policy options”, 2022, page 14. ↩︎
  2. Food and Agricultural Organisation of the United Nations, “Assessment of Agricultural Plastics and their Sustainability”, 2021. ↩︎
  3. Minderoo Foundation, “Plastic Waste Makers Index 2023”, 2023.  ↩︎
  4. Cette étude montre que – si la production de plastique continue de croitre en phase avec les projections de l’industrie – alors les émissions issues du cycle de vie du plastique compteront pour 19% du budget carbone d’ici 2040, ce qui compromettrait significativement notre capacité à respecter l’Accord de Paris.  
    The Pew Charitable Trusts and Systemiq, “Breaking the plastic wave: A comprehensive assessment of pathways towards stopping ocean plastic pollution”, 2020.  ↩︎