Communiqué de presse 25.04.2025 | Pour diffusion immédiate
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La Cour d’appel de Rouen déclare le capitaine et l’armateur du navire Guardians coupables d’avoir rejeté illégalement des huiles végétales en mer ce vendredi 25 avril 2025. C’est la première fois en France que la preuve de la pollution repose essentiellement sur des images satellite, et non pas par flagrant délit à la suite d’une détection depuis un aéronef. Surfrider Foundation et France Nature Environnement qui s’étaient portées partie civile saluent cette décision majeure qui pourrait désormais faire jurisprudence.
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Une pollution maritime détectée par satellite
Le 13 janvier 2021, le CROSS (Centre Régional Opération de Surveillance et de Sauvetage) JOBOURG reçoit une alerte du système CleanSeaNet de l’agence Européenne de sécurité maritime (EMSA) à la suite d’une détection par satellite d’une pollution de sillage par huile végétale, au large du Cap de la Hève à Sainte Adresse (76), dans les eaux territoriales françaises.
La détection satellite et l’analyse du système AIS (système de suivi d’itinéraire de navigation et des navires) permettent de rattacher la pollution au GUARDIANS (IMO n°9165451), seul navire sur zone au moment des faits ayant une trajectoire compatible avec la nappe polluante d’une longueur de 14,8km sur 0,94km de large.
Le GUARDIANS est un navire, battant pavillon panaméen, de type chimiquier, spécialisé dans le transport d’huiles végétales. Le 13 janvier 2021, il a quitté le port de Rouen chargé de 4976,946 tonnes d’huile de colza en direction de Rotterdam.
Avant ce chargement, le bateau avait effectué un prélavage de ces cuves contenant des résidus d’Ester méthylique d’acide gras, issus du précédent voyage. Une partie de ces eaux usées (36m³) a été stockée dans les desks tanks avant d’être rejetée en mer, le 13 janvier 2021, en quittant le port de Rouen.
Ce rejet s’est effectué à une distance d’environ 10 miles nautiques (environ 18 km) des côtes alors qu’il n’est autorisé qu’à certaines conditions et notamment une distance de plus de 12 miles nautiques (plus de 22 km). Sur la base de ces éléments, le Procureur du Havre engage des poursuites contre la capitaine et l’armateur du navire pour rejet illicite de substances polluantes.

©Vessel Finder
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Le capitaine relaxé en première instance, les ONG font appel
Surfrider Foundation et France Nature Environnement se sont constituées partie civile dans cette affaire.
Lors du procès en 1ere instance, le tribunal judiciaire du Havre a relaxé le capitaine et l’armateur au motif que l’enquête effectuée par la gendarmerie maritime ne permettait pas de démontrer l’imputabilité de la pollution au navire.
Pourtant, il n’y avait pas d’autre navire qui transportait ce type de marchandise (huiles végétales) dans le secteur de l’incident. L’analyse des images satellite, et de la route des navires sur zone tend à démontrer quant à elle, que le GUARDIANS est bien responsable de cette pollution.
Lien vers le jugement de première instance
Surfrider Foundation et France Nature Environnement ont fait appel de cette décision considérant que le système CleanSeaNet, existant depuis 2007 et éditant des milliers d’images satellite chaque année, est fiable et doit être utilisé comme moyen de preuve.
Voir l’alerte du système Cleanseanet ici
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Une expertise avant dire droit atteste de la culpabilité du capitaine
La Cour d’appel de Rouen devait se prononcer en décembre 2023. Le jour de l’audience, l’avocat général a demandé une expertise avant dire droit qui lui avait été accordée par les juges. Cette expertise visait à verser au dossier des éléments manquants permettant de lever les doutes quant à l’imputabilité de la pollution au navire et contredire les arguments de la défense. Une experte du CEDRE a ainsi été missionnée, afin d’établir si la détection CleanSeaNet du 13 janvier 2021 pouvait correspondre à un rejet de produit huileux et à déterminer si ce rejet pouvait être rattaché au GUARDIANS.
Grâce à l’utilisation du modèle de prévision de dérive MOTHY, l’experte a pu analyser la simulation d’un rejet continu sur la trajectoire du GUARDIANS et une simulation à rebours (ou “backtracking”) à partir de la nappe prise en cliché par le satellite et ainsi conclure, avec certitude, que le rejet peut être rattaché au navire incriminé.
Le rapport d’expertise a su convaincre la cour de la culpabilité du capitaine du Guardians.
Ce vendredi 25 avril 2025, la Cour d’appel de Rouen a reconnu coupables le capitaine et l’armateur du Guardians pour rejet illicite de substances polluantes en mer. Une amende de 80 000 euros a été prononcée, dont 60 000 euros à la charge de l’armateur, prélevés en priorité sur la caution versée. Les parties civiles France Nature Environnement (FNE) et Surfrider Foundation se voient accorder 10 000 euros au titre des dommages et intérêts.
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Une affaire qui fera date dans les détections de pollutions maritimes
C’est la première fois en France qu’un capitaine et un armateur de navire sont renvoyés devant les tribunaux sur la base d’une détection satellite et de l’utilisation du système d’authentification automatique des navires (AIS). Or, on sait que les capitaines et les compagnies peu scrupuleuses des règles environnementales ont trouvé de nouveaux moyens de polluer sans être inquiétés, notamment des rejets illicites d’hydrocarbures et autres substances de nuit ou dans des zones en dehors de la surveillance par les aéronefs nationaux.
Jusqu’ici en France, les moyens de preuves principaux ont toujours été : une observation en flagrant délit, depuis un avion ou un navire, d’un rejet illicite dans le sillage immédiat d’un navire ainsi que l’utilisation d’une preuve photographique. Il est en revanche à noter que dans d’autres pays comme l’Angleterre ou l’Espagne, la détection par satellite a déjà permis de faire condamner des capitaines et leurs armateurs.
“Cette décision de justice marque donc une avancée majeure dans la détection des pollutions marines et leur imputabilité. Elle va faire jurisprudence. La condamnation sur la base des données satellites et grâce à l’utilisation du backtracking est une première qui permettra désormais à nos ONGs d’avoir de nouveaux moyens pour responsabiliser et dissuader les navires qui ne respectent pas les réglementations en vigueur” s’enthousiasme Cristina Barreau, juriste en charge des contentieux pour Surfrider Foundation.
“Ce jugement est une grande victoire. Mais surtout, il s’agit d’une décision qui relève du bon sens : lorsqu’un satellite détecte les rejets illégaux d’un navire en mer, cette preuve tangible – éprouvée dans tant d’autres domaines – doit pouvoir être utilisée pour faire condamner capitaines et armateurs. Il est certain que l’utilisation de la technologie satellite combinée à l’AIS permettra de nouvelles condamnations et, à terme, une diminution des infractions.” estime Alice Béral, juriste représentant France Nature Environnement sur cette affaire.
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