La plage : bien plus qu’une étendue de sable

Il y a de cela seulement quelques semaines, pour nombre d’entre nous, le programme quotidien était plus doux et plus salé : vacances, soleil et plage. Mais les vacances passent toujours trop vite !
Alors, pour retrouver ne serait-ce qu’un instant ces délicieux moments de farniente – allongé.e.s sur une serviette moelleuse, les orteils en éventail – beaucoup sont déjà en train de réfléchir à la destination de rêve vers laquelle iels vont s’échapper pour fuir l’automne qui s’installe. Au programme : eau turquoise, soleil brûlant et, surtout, (surtout !) une longue plage de sable fin et blanc.
L’image fait rêver non ?

Pourtant, cette image que nous avons tous de la plage « parfaite » n’est qu’une pure construction humaine, loin de toute réalité naturelle. Derrière cette carte postale se cache un univers bien plus complexe et fascinant : un écosystème vivant que nous connaissons finalement très peu. Plongée dans l’univers invisible et méconnu de la plage.

Qu'est-ce qu'une plage ?

Contrairement à l’imaginaire collectif, la plage ne se limite pas aux étendues de sable fin. Elle peut aussi être composée de galets et de blocs, certes, moins “confortables”, mais tout aussi légitimes et fonctionnelles.
De la même manière, elle ne se limite à la zone de balancement des marées, la zone “de sable” : la plage, c’est aussi “l’arrière-plage”, notamment les dunes, essentielles à son équilibre.

Scientifiquement parlant, la plage est la partie de la terre qui borde une mer ou un cours d’eau. Il s’agit de la zone limite entre la terre ferme et une étendue d’eau : une berge ou un rivage, en pente douce, une étendue de sable, de gravier ou de galets qui se poursuit sous le niveau de l’eau. Il s’agit donc, à l’origine, d’une zone naturelle et sauvage.

Pourtant depuis le XIXe siècle, l’Homme a pris le parti de définir lui-même les limites d’une plage. Comme en témoignent les noms donnés à nombre d’entre elles, les plages sont devenues des étendues de sable délimitées, aménagées pour les bains de mer, les loisirs et la restauration.

D'où vient le sable ?

Le sable qui glisse entre nos doigts a une histoire longue de millions d’années.
Ses origines sont multiples :

  • La plupart des plages de sable, notamment sur le territoire hexagonal, sont constituées de grains de silice, résultats de l’érosion de blocs de granite ou de grès, des roches sédimentaires.
  • Le sable peut également provenir des cours d’eau de montagne : il se forme en altitude, quand torrents et rivières creusent les rives. Les minéraux les plus lourds sont peu à peu drainés, polissant au passage les rochers des cours d’eau et les transformant en grains de sable qui finiront leur course sur nos plages.
  • Le sable peut également provenir de réserves sous-marines
  • … ou naître de l’effondrement des falaises qui parfois s’effondrent, malmenées par divers éléments naturels (vagues, tempêtes etc.). L’eau de mer dissout alors le calcaire, libérant les particules de quartz qu’il renferme. Avec le ressac (retour de vagues relativement violent), ces derniers s’entrechoquent, formant alors des grains de sable, et s’arrondissent progressivement.
  • Enfin, certaines plages présentent des spécificités remarquables : le sable noir est d’origine volcanique, tandis que le sable blanc des zones tropicales est formé de débris de coraux et de coquillages broyés par l’océan.

Que trouve-t-on dans le sable ?

Loin d’être une matière inerte, le sable abrite une vie invisible et pourtant essentielle. Dans chaque poignée de sable se trouvent des milliers de micro-organismes : bactéries et champignons qui constituent la base de la chaîne alimentaire littorale.

Le sable héberge également la méiofaune, ces animaux microscopiques qui filtrent et recyclent la matière organique. Leur rôle écologique est capital : ils participent à l’aération du sable et à la filtration naturelle de l’eau.

Malheureusement, le sable contient aussi d’autres éléments, bien moins naturels : plastiques, mégots, équipements abandonnés, microplastiques et déchets en tout genre.
Cette pollution invisible menace l’équilibre fragile de l’écosystème et contamine l’ensemble de la chaîne alimentaire marine.

La laisse de mer : un trésor méconnu

Échouée sur les plages, la laisse de mer forme un ruban plus ou moins étroit, parallèle à la mer, pouvant s’étendre parfois sur plusieurs kilomètres. Elle est constituée de débris naturels déposés par la mer lors des marées : débris végétaux comme les algues et le bois flotté, et débris animaux tels que coquillages, enveloppes d’œufs, mues de crabe etc..

Soumise aux mouvements de marées, la laisse de mer constitue un écosystème particulier, essentiel pour la lutte contre l’érosion. Sa biodiversité est importante : elle abrite de nombreux micro-organismes qui vivent dans le sable, nourrit les plantes qui vont contribuer à retenir le sable, ainsi que les insectes, les oiseaux et les crustacés.

Malheureusement, sur la plupart des plages, les bouteilles en plastique, les mégots, les emballages alimentaires et les morceaux de filets de pêche accompagnent régulièrement la laisse de mer. Les dangers sont à la fois sanitaires (dangerosité de certains déchets toxiques ou coupants) et environnementaux (pollution chimique, ingestion par les animaux).

Quand la laisse de mer n’est pas trop polluée, elle constitue un véritable écosystème qui participe à la vie du littoral. La détruire systématiquement par des nettoyages mécaniques agressifs, c’est appauvrir la biodiversité de la plage et accélérer son érosion.

La dynamique sédimentaire : une plage en mouvement permanent

La plage n’est pas inerte. Les végétaux s’enracinent, poussent et grandissent. Le sable voyage, se déplace et se transforme constamment. Les courants, les marées et les vents sont autant de forces naturelles qui sculptent la plage jour après jour, saison après saison. Une plage n’a jamais exactement le même visage d’une année sur l’autre.

Vouloir figer une plage, la maintenir artificiellement à un endroit précis, c’est aller à l’encontre de sa nature même. C’est aussi perturber l’équilibre sédimentaire de l’ensemble du littoral, créant parfois des problèmes d’érosion ailleurs.

La plage n’est pas un terrain de jeu figé, aménagé pour notre seul plaisir estival. C’est un espace vivant, mouvant, qui évolue au rythme des saisons et des éléments. Derrière le sable fin sur lequel nous posons nos serviettes se cache un monde complexe et fragile, qui mérite notre respect et notre protection.

Apprendre à connaître la plage, c’est comprendre qu’elle ne nous appartient pas. C’est accepter qu’elle change, qu’elle bouge, qu’elle vive. C’est aussi prendre conscience de l’impact de nos actions : chaque déchet abandonné, chaque aménagement excessif, chaque tentative de la figer contribue à sa dégradation.

Respecter la plage, c’est lui permettre d’être ce qu’elle est : un écosystème à part entière, une zone de transition entre terre et mer, un espace de vie pour des milliers d’organismes. C’est préserver son mouvement naturel, accepter la laisse de mer, limiter notre empreinte.

Car une plage en bonne santé, c’est une plage vivante. Et c’est aussi la garantie que les générations futures pourront, elles aussi, y déplier leur serviette.

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