Filtre de cigarette : ce bout de plastique toxique que l’Océan n’arrive pas à digérer

Minuscule mais redoutable, le mégot de cigarette est l’un des déchets les plus répandus sur nos plages et dans nos océans. Contrairement aux idées reçues, ce “petit déchet” du quotidien représente une catastrophe écologique silencieuse.

Mais qu’est-ce qui fait du mégot un problème environnemental si grave ?
Laissez-nous vous expliquer pourquoi le mégot de cigarette, et plus particulièrement son filtre, constitue une aberration écologique que nous ne pouvons plus ignorer.

Le mégot : un cocktail chimique écocide

Un mégot est bien plus qu’un simple résidu de cigarette.
Il concentre un nombre hallucinant de substances chimiques dangereuses dont :

  • de la nicotine (la nicotine contenue dans un mégot se libère en seulement 24 heures et peut contaminer, à elle seule, jusqu’à 1 000 litres d’eau !)
  • des traces de pesticides
  • des goudrons
  • des agents de saveur
  • des gaz toxiques issus de la combustion (monoxyde de carbone, oxyde d’azote, acide cyanhydrique, ammoniac)
  • des métaux lourds (cadmium, plomb, chrome, mercure)
  • (Et beaucoup d’autres mais la liste est si longue que nous ne pouvons pas tous les citer…)

On compte au total plus de 7 000 substances chimiques toxiques (dont certaines sont mêmes cancérigènes) dans une cigarette.
Et ce dangereux cocktail est relargué dans l’eau lorsqu’un mégot y termine sa course.

Mais l’un des plus gros problèmes du mégot réside principalement dans son filtre…

Le filtre : une protection illusoire, une pollution réelle

Bien que son nom évoque une sorte de protection, qui « retient » le mauvais et épargne la santé des fumeurs, le filtre est en réalité un élément particulièrement nocif pour l’environnement tout en étant absolument inutile pour protéger la santé des fumeurs et fumeuses.

Une histoire de marketing plus que de santé

Si le filtre a fait son apparition dans l’industrie du tabac en 1927, ce n’est qu’autour des années 50 qu’il s’est véritablement mondialisé, sous couvert de garantir un moyen de réduire les risques sanitaires liées à la cigarette.
Aujourd’hui, 90% des cigarettes sont vendues avec des filtres. Pourtant, selon Thomas Novotny, professeur de santé publique à l’université de San Diego, « il est presque certain que les filtres ne présentent aucun avantage pour la santé, qu’ils ne sont qu’un outil marketing [des fabricants de cigarettes] permettant de fumer plus facilement. C’est en revanche un polluant notoire. »

Une composition insoupçonnée

Malgré son apparence évoquant le coton, le filtre est fabriqué à partir d’acétate de cellulose, une matière plastique obtenue par modification chimique de la cellulose. Sa fabrication implique plusieurs étapes :

  1. Les fibres d’acétate de cellulose sont traitées avec du dioxyde de titane, un composé toxique qui leur confère leur couleur blanche et leur texture brillante
  2. Ces fibres sont ensuite compactées avec de la triacétine, un plastifiant irritant

     

  3. L’ensemble est recouvert d’un papier contenant lui aussi de nombreuses substances chimiques
  4. Les fibres sont serrées dans une « manchette », un papier présentant souvent des motifs « liège », imprégné de substances chimiques lui permettant d’éviter de coller aux lèvres – ce qui rend par ailleurs les filtres moins sensibles à la décomposition par l’eau

Quant à la couleur orange des filtres, elle est purement esthétique : introduite dans les années 1960 pour masquer le jaunissement du filtre blanc causé par le goudron et la nicotine.

Un impact environnemental dévastateur

En raison de sa composition essentiellement plastique, lorsqu’un mégot est jeté dans la nature, il ne disparaît pas. Il se dégrade lentement en micro et nanoparticules de plastique qui persistent dans l’environnement pendant des années, voire des décennies.

Les microplastiques et les produits chimiques présents dans les cigarettes ont de profondes répercussions sur la faune et la flore, notamment sur la croissance des plantes marines, le comportement des organismes aquatiques ou encore sur la reproduction et la santé des oiseaux et mammifères aquatiques.

Agir ensemble pour un Océan sans mégots

Chaque année, des milliards de mégots finissent dans notre environnement et, pour beaucoup, dans l’Océan. Face à cette situation alarmante, il est urgent d’agir à plusieurs niveaux :

→ ne jamais jeter ses mégots dans la nature, utiliser des cendriers de poche,

sensibiliser un public le plus large possible sur les dangers liés aux mégots et plus particulièrement aux filtres lorsqu’ils sont jetés dans la nature,

→ exiger une réglementation plus stricte sur les filtres plastiques et une véritable application du principe pollueur-payeur

et peut-être, s’interroger sur la nécessité réelle des filtres de cigarettes…

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