Un dispositif aux origines trompeuses
Le filtre de cigarette est apparu initialement dans les années 1860. Assez peu utilisé à cette époque, il s’agissait alors d’un simple dispositif pratique visant à éviter l’ingestion de brins de tabac.
Suite à la publication des premières études scientifiques établissant un lien entre tabagisme et cancer du poumon, le filtre a été stratégiquement promu par l’industrie du tabac, craignant que ces révélations ne viennent mettre à mal ses revenus.
Présenté comme LA solution permettant de protéger la santé des consommateurs et consommatrices, le filtre a alors connu une popularité fulgurante à partir des années 1950. Aujourd’hui, plus de 90% des cigarettes commercialisées mondialement en sont équipées, sur une production annuelle avoisinant les 6 000 milliards d’unités.
L’illusion d’une protection sanitaire
Contrairement aux arguments marketing avancés par l’industrie du tabac, aucune étude scientifique n’a démontré que le filtre rendait la cigarette moins dangereuse. Des recherches suggèrent même une corrélation entre l’utilisation généralisée des filtres et l’augmentation des adénocarcinomes pulmonaires.
Ce phénomène s’explique notamment par le comportement compensatoire des fumeurs et fumeuses qui, confronté.es à une réduction de l’apport en nicotine due au filtre, tendent à inhaler plus fréquemment et plus profondément la fumée. Plus préoccupant encore, iels risquent d’inhaler des particules provenant des filtres eux-mêmes.

Pas du coton : du plastique !
Contrairement à l’idée reçue associant le filtre à une matière naturelle comme le coton, il est en réalité composé d’acétate de cellulose, une fibre plastique synthétique. Cette composition implique que le mégot de cigarette constitue un déchet plastique persistant dans l’environnement.
Lorsqu’il est abandonné dans la nature – ce qui est le cas pour 66% des cigarettes consommées – le mégot nécessite environ une décennie pour se dégrader, se transformant progressivement en micro puis en nanoparticules de plastique.
Un impact environnemental dévastateur
Le tabac ne représente pas uniquement un enjeu de santé publique, mais constitue également une catastrophe écologique majeure. On estime à 11 milliards le nombre de mégots jetés quotidiennement au sol à l’échelle mondiale.
Ces déchets, en apparence anodins, sont transportés par les eaux de ruissellement jusqu’aux océans. Un mégot immergé libère près de 7 000 substances chimiques dans l’eau, auxquelles s’ajoutent les particules plastiques qui continuent de se disperser pendant environ dix ans. Cette combinaison fait du mégot une véritable « bombe écotoxique » pour les écosystèmes aquatiques.
Les filtres biodégradables, une fausse bonne idée
Face aux préoccupations environnementales croissantes, l’industrie du tabac planche désormais sur des filtres dits « biodégradables ». Cette initiative relève davantage d’une stratégie de greenwashing que d’une véritable solution écologique.
Cette approche présente deux écueils majeurs :
– Malgré l’absence de plastique, ces filtres contiennent toujours des substances chimiques nocives pour la biodiversité
– Leur biodégradabilité nécessite des conditions spécifiques rarement réunies dans l’environnement naturel (température supérieure à 50°C, fort taux d’humidité, présence de micro-organismes particuliers)
Surfrider Foundation appelle a interdire les filtres de cigarette
Dans ce contexte, Surfrider Foundation se positionne fermement contre l’utilisation des filtres de cigarettes. Cette opposition se fonde sur deux constats irréfutables : leur inefficacité à protéger la santé des fumeurs et leur contribution massive à la pollution des océans.
Des initiatives réglementaires similaires existent déjà aux États-Unis, notamment en Californie, état dans lequel, en octobre 2024, le comté de Santa Cruz est devenu la première juridiction mondiale à approuver l’interdiction des cigarettes et cigares à filtre.
Notre engagement s’inscrit dans une démarche plus large de protection des écosystèmes marins face aux pollutions d’origine terrestre, dont les mégots constituent l’un des exemples les plus répandus et pourtant les plus sous-estimés.