Des gobelets, des couverts, des assiettes, des pailles en plastique à usage unique… Ces articles, pourtant interdits depuis la loi Anti-Gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) de 2020, continuent d’être vendus librement sur de nombreuses plateformes de vente en ligne et en magasin. Face à ce non-respect flagrant de la législation, France Nature Environnement et Surfrider Foundation Europe ont décidé d’agir en déposant une mise en demeure contre cinq enseignes : Amazon, Temu, Metro, la Foir’fouille et la Boutique du Jetable.
Une action juridique pour faire cesser les ventes illégales
Les deux associations environnementales exigent le retrait immédiat de ces produits illégaux, aussi bien des sites e-commerce que des rayons physiques. Les enseignes concernées disposent désormais d’un délai de trois mois pour se mettre en conformité avec la loi. En cas d’absence de mesures concrètes à l’issue de cette période, France Nature Environnement et Surfrider saisiront la justice afin de faire cesser ces ventes et protéger la santé des citoyens ainsi que l’environnement.
Une première réaction positive a déjà eu lieu : Metro a rapidement retiré les produits problématiques de son site e-commerce, montrant qu’il est possible d’agir rapidement lorsque la volonté est là.
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Le plastique jetable : un fléau pour la santé et l'environnement
Ces produits ne sont pas simplement illégaux, ils représentent également un danger majeur pour notre santé et notre planète. Comme leur nom l’indique, les articles jetables en plastique sont conçus pour être utilisés une seule fois avant d’être jetés, générant ainsi une quantité astronomique de déchets.
Une menace sanitaire avérée
Le plastique est extrêmement dangereux, particulièrement lorsqu’il entre en contact avec des aliments. Plus de 16 000 substances chimiques sont utilisées dans la production de plastiques, mais seules 161 sont classées comme « non dangereuses » en raison du manque cruel de connaissances sur ces substances.
Un désastre écologique à tous les niveaux
La fabrication du plastique, dérivé du pétrole, est particulièrement polluante. Sa production représente à elle seule 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. De l’extraction des matières premières jusqu’à la gestion des déchets, le plastique contribue massivement à la crise climatique mondiale et au pillage des ressources naturelles.
En France, environ 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques sont générés chaque année, dont seulement 23% sont recyclés. Le reste finit dans la nature, et particulièrement dans l’Océan.
Sous l’effet du vent, des rayons UV, de l’oxygène et de la température, ces déchets se fragmentent progressivement en microplastiques. La moitié des microplastiques secondaires provient des emballages alimentaires à usage unique. Ces particules sont ingérées par les espèces marines – oiseaux, poissons, mammifères, végétaux – entraînant des effets inquiétants : baisse de l’ingestion d’aliments, risques de suffocation, changements comportementaux et modifications génétiques. En remontant la chaîne alimentaire, ces particules peuvent même potentiellement arriver jusque dans nos assiettes.
Si les politiques actuelles restent inchangées, la situation ne fera qu’empirer. Selon l’OCDE, en 2060, les rejets de plastiques dans l’environnement devraient doubler pour atteindre 44 millions de tonnes par an, tandis que la quantité de plastiques accumulée dans les milieux aquatiques sera multipliée par plus de trois.
La loi AGEC : un texte ambitieux mais insuffisamment appliqué
Face à ce constat alarmant, la France a adopté la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) le 10 février 2020, dans le prolongement de la directive européenne SUP (Single-Use Plastic). Cette loi, qui s’articule autour de 130 articles en faveur de la lutte contre le gaspillage, fixe des objectifs ambitieux : réduire de 20% les emballages à usage unique d’ici 2025 et mettre fin à tous les plastiques jetables d’ici 2040.
Pour y parvenir, le texte interdit certains produits en plastique à usage unique, dont les couverts, les pailles, les couvercles à verre jetables et les contenants en polystyrène expansé.
Une application défaillante
Malheureusement, comme le révèle cette action en justice, la législation n’est pas respectée. Dans d’autres cas, les entreprises contournent ces interdictions en apposant des mentions trompeuses comme « recyclables » ou « réutilisables » sur des produits qui ne le sont absolument pas.
Attaquées de toutes parts par les industriels, sans véritables moyens de contrôle et en l’absence de sanctions réellement dissuasives, de nombreuses mesures sont aujourd’hui inefficaces.
Le résultat est sans appel : nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire pour atteindre les objectifs fixés par la loi AGEC. Au contraire, la production d’emballages a augmenté de 3% entre 2021 et 2023.
Il est crucial que la France prenne les mesures nécessaires pour exiger le retrait de ces produits illégaux, sanctionner les entreprises contrevenantes, mais aussi donner plus de pouvoirs et de moyens à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée de contrôler l’application de la loi.
À l’heure où les lobbies de l’industrie veulent enterrer la loi AGEC – et ils le disent explicitement –, la France doit agir pour conserver et renforcer ce texte essentiel pour sortir du tout plastique.