Du 4 au 15 août 2025, les délégations de plus de 180 États se sont retrouvées à Genève pour ce qui devait être la dernière ligne droite du processus de négociation du traité mondial sur les plastiques. Cette session, dite INC 5.2, avait été convoquée après qu’aucun accord n’ait pu être trouvé à Busan en décembre 2024, malgré des mois de discussions.
Les attentes étaient fortes, en particulier de la part des pays les plus vulnérables comme les petits États insulaires, directement confrontés aux impacts de la pollution plastique et du changement climatique. Toutefois, dès le milieu de la deuxième semaine, les discussions se sont enlisées et le nombre de passages entre crochets – soit des passages à négocier – est passé de 350 à près de 1 400, illustrant l’ampleur des divergences entre les délégations.
Pour Surfrider Foundation Europe, présent à Genève, cet enlisement n’est pas seulement une déception. Il illustre les blocages d’un multilatéralisme fragilisé par les intérêts économiques de quelques-uns et rappelle l’urgence de repenser les règles du jeu et les méthodes de travail employées lors des négociations.
Mobilisation au plus haut niveau
La session a été marquée par une mobilisation politique inhabituelle, avec plus d’une soixantaine de ministres venus soutenir leurs délégations, démontrant l’importance stratégique et symbolique du traité, mais aussi la pression croissante exercée par l’opinion publique et la société civile pour que les gouvernements agissent.
Tout au long du processus de négociation, se sont deux blocs qui se sont clairement opposés. La “Coalition de la Grande Ambition”, forte de plus d’une centaine de pays dont l’Union européenne et de nombreux petits États insulaires, plaidaient pour un traité couvrant l’ensemble du cycle de vie du plastique, avec des objectifs de réduction de la production et l’interdiction de produits et substances chimiques problématiques. À l’inverse, un petit groupe d’États pétroliers, les Like-Minded Countries, menés par l’Arabie Saoudite et incluant la Russie, l’Iran et d’autres États producteurs, refusaient toute mesure contraignante et voulaient limiter l’accord à la seule gestion des déchets.
Le 13 août, à seulement vingt-quatre heures de la clôture prévue, le président des négociations, l’Équatorien Luis Vayas Valdivieso, a rendu public un nouveau projet de texte. Cette démarche, considérée comme opaque, a suscité de vives critiques de la part de nombreuses délégations et organisations de la société civile. Le contenu a été jugé insuffisant, reposant principalement sur des engagements volontaires et manquant de mesures contraignantes. La majorité des pays favorables à un traité ambitieux, ainsi que les ONG présentes, ont donc rejeté ce projet.
Un processus sous influence
- Plus de 230 lobbyistes pétrochimiques étaient présents à Genève,
- Ils étaient plus nombreux que l’ensemble des diplomates des 27 États membres de l’UE et de l’Union européenne réunis,
- Dix-neuf d’entre eux avaient intégré officiellement des délégations nationales.
Sources: CIEL
Un texte final trop faible
Affirmant vouloir parvenir à un accord qui puisse être adopté à l’unanimité, le président de l’INC, Luis Vayas Valdivieso, a pris l’initiative de présenter deux projets de texte. Le premier publié la veille de la fin des négociations était “extrêmement faible et appelait surtout à des mesures nationales, sans possibilité de progresser au fil du temps” déplore Lisa Pastor, chargée de plaidoyer.
Le second projet présenté au cours de la dernière nuit incluait quelques améliorations mais restait inefficace face à l’urgence de la situation.
- Pas d’objectifs contraignants de réduction de la production : aucun chiffre, aucune trajectoire.
- Pas de restrictions sur les produits les plus problématiques, comme certains plastiques à usage unique ou additifs chimiques, allant de ce fait à l’encontre des recommandations de la Scientific Coalition.
- Le traité reste non contraignant: la plupart des articles sont rédigés en termes de possibilité, non d’obligation, et c’est aux états de décider des mesures à prendre pour répondre aux objectifs (déjà faibles) du traité.
- Silence sur le réemploi sans substances toxiques, malgré la demande constante de nombreux pays et ONG
Pour cette raison, de nombreux pays ont appelé à rejeter ce projet de texte et les négociations se sont clôturées sans accord. Toutefois, comme le rappellent de nombreuses ONG dont Surfrider, “mieux vaut aucun Traité, qu’un Traité faible”. Face à ce constat Lisa Pastor ajoute “Le résultat des négociations sert aussi les intérêts des lobbies industriels et de quelques pays bloquants, plutôt que la majorité des pays prêts à adopter un traité ambitieux. Cette dernière session nous montre une chose : les règles du jeu doivent changer”
Prochaines étapes:
Il revient désormais aux délégations et au comité des négociations d’échanger afin de fixer les dates et le lieu de la prochaine session, de trancher sur le texte qui servira de base de négociation et de décider s’il convient d’organiser des travaux intersessions.
Dans l’attente, Surfrider reste mobilisé pour faire progresser les législations aux niveaux européen et français. Si la France a fait preuve de leadership en Genève, nous attendons à présent des actes pour s’assurer que la législation française en vigueur (loi AGEC) soit pleinement mise en place sur le territoire et renforcée dans le futur.
La Présence de Surfrider à INC 5.2
Porter nos valeurs et positions
L’équipe de Surfrider Foundation Europe était présente à Genève pour défendre un traité ambitieux et juridiquement contraignant. À travers l’organisation de mobilisations et nos échanges avec les délégations, nous avons rappelé l’importance de traiter l’ensemble du cycle de vie du plastique, depuis la production jusqu’à la gestion des déchets, et de fixer des objectifs clairs de réduction.
Combattre les filtres de cigarettes plastique
Aux côtés de partenaires du Comité National Contre le Tabagisme, de Smoke Free Partnership et de la Stop Tobacco Pollution Alliance, Surfrider a poussé pour l’inclusion des filtres de cigarettes dans la liste de produits plastiques à bannir.
Composés à 97 % de plastique, ces filtres représentent le déchet le plus collecté dans l’environnement et une source majeure de microplastiques. Nous avons donc lancé notre propre campagne sur l’application Chili, visant à interpeller la commissaire européenne et divers ministres européens. Une source nous confiait sur place que les nombreux mails envoyés avaient attiré l’attention de certains décideurs sur ces enjeux !
Mobilisation face au texte jugé trop faible
Face à la présentation d’un texte affaibli et non contraignant, Surfrider s’est mobilisée lors du dernier jour de la session. L’objectif était d’interpeller les délégations et de rendre visible l’appel de la société civile en faveur d’un traité solide et efficace pour répondre à la crise mondiale de la pollution plastique. Le message porté était clair : “Sick of plastic, be ambitious”.
Un travail de coalition
Tout au long des négociations, différentes manifestations de la société civile ont eu lieu, notamment à l’initiative de la coalition Break Free From Plastic dont Surfrider est membre. Nous avons pris part à ces actions collectives pour rappeler l’exigence d’un traité réellement contraignant et ambitieux.