Le débat public “La mer en débat” nous avait fortement mobilisé.e.s en 2024 à travers la participation des bénévoles et salariés à plusieurs escales du débat public, la présence lors de divers ateliers et tournées d’experts ou encore la rédaction de 6 cahiers d’acteurs visant à formaliser et présenter nos positions sur les enjeux du débat ainsi que nos demandes.
Aujourd’hui la procédure suit son cours : l’autorité environnementale a rendu ses avis sur les projets de documents stratégiques de façade (DSF) en mars, en parallèle de la tenue de la concertation continue qui a pris, depuis le 5 mai et ce jusqu’au 5 août, une nouvelle forme : la participation par voie électronique.
L’occasion pour Surfrider de reprendre la parole sur ce sujet et de vous encourager, en tant que citoyen.ne.s amoureux.ses de l’Océan, de porter nos messages et nos demandes !
Enjeux et importance des Documents Stratégiques de Façade (DSF)
Les stratégies de façade maritime sont la déclinaison régionale de la directive cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM). Cette directive a pour objectif d’atteindre le bon état écologique du milieu marin. Elle impose aux Etats de mettre en place des documents de planification, renouvelés tous les 6 ans afin de poursuivre cet objectif. En France, ces documents sont les documents stratégiques de façade (DSF), dont les volets stratégiques sont en cours de mise à jour. Ces documents incluent également des objectifs stratégiques socio-économiques, devant permettre la déclinaison territoriale de la directive cadre sur la planification de l’espace maritime (DCPEM).
Chaque stratégie de façade maritime fixe des orientations visant à atteindre le bon état écologique des composantes du milieu marin or l’un des constats en début de débat public était justement que ce bon état écologique n’était pas atteint.
Pour mesurer l’état écologique et atteindre un bon état, des objectifs environnementaux (OE) stratégiques sont revus et opérationnalisés par les instances maritimes et les services de l’Etat concernés.
Nous avons fait valoir lors du débat public une vision sociétale assez large de l’Océan et de ces usages. Nous avons notamment insisté sur :
- les risques liés à la superposition des activités maritimes
- l’évaluation nécessaire des impacts dits « cumulés » entre les activités, le développement (prudent mais impératif) de l’éolien en mer et des autres EMR,
- la nécessité de renforcer la protection du milieu marin,
- l’absence de vision de sobriété d’usage ou de sobriété énergétique,
- la prise en compte du lien terre-mer tant sur la planification des activités que sur les pollutions provenant des terres.
Dans le cadre cette nouvelle contribution, nous nous focalisons sur des objectifs environnementaux très concrets qui touchent à nos trois thématiques : l’aménagement du littoral, la qualité de l’eau, et les déchets aquatiques.
Nous avons ainsi mis notre expertise au service de cet exercice dans le but de pousser pour des objectifs ambitieux de réduction des pressions sur le milieu marin : c’est l’occasion d’avoir des objectifs et des indicateurs qui rendent réellement compte des pressions anthropiques sur le milieu marin !
Aménagement du littoral : protéger les écosystèmes qui permettent de faire face aux risques côtiers
Tels que proposés dans les projets de stratégie de façade maritime, les objectifs environnementaux prennent en compte l’importance de l’atteinte du bon état écologique pour les écosystèmes de carbone bleu, et notamment des prés salés.
En revanche, s’il existe des objectifs et indicateurs spécifiques aux prés salés en Atlantique, ce n’est pas le cas pour les prés salés méditerranéens. Les enjeux de conservation sont pourtant bien réels, avec une forte exposition d’espaces protégés aux effets de l’érosion côtière.
Concernant les herbiers marins, les herbiers de posidonie, espèce endémique à la Méditerranée, font l’objet de différents objectifs environnementaux (limitant entre autres le mouillage non écologique dans les zones concernées), ce qui n’est pas le cas des herbiers marins présents sur les autres façades. Pourtant, ces écosystèmes pourraient, eux aussi, bénéficier d’une limitation – voire interdiction – du mouillage en leur sein. Des objectifs environnementaux concernant les herbiers marins propres à chaque façade permettraient de valoriser l’effort méditerranéen de protection de la posidonie.
Qualité de l’eau, contaminants et santé des usagers : pour une meilleure prise en compte des urgences sanitaires actuelles
En mars 2025, l’Autorité environnementale a donné son avis sur les projets de stratégie de chacun des façades maritimes. Elle recommande de surveiller les PFAS parmi les contaminants à prendre en compte en lien avec les activités humaines. Ces substances chimiques dangereuses doivent faire l’objet d’un suivi régulier dans le milieu marin, et particulièrement dans les zones de baignade. L’objectif devrait être d’atteindre une qualité d’eau « excellente » sur nos plages, et non pas seulement « bonne ».
Les pollutions maritimes causées par hydrocarbures mériteraient également plus d’attention dans la surveillance des polluants marins. Si ce type de pollution n’est pas suffisamment pris en compte dans la partie stratégique des documents de façade maritime, elle devra être largement intégrée dans les plans d’actions concrets. Ces plans devront prévoir de renforcer les systèmes de contrôle et de surveillance de la pollution aux hydrocarbures, d’autant plus que la justice évolue actuellement sur ce sujet.
Déchets marins : la nécessité d’un meilleur suivi et d’une meilleure grande prise en compte des spécificités de ces pollutions
Les objectifs évoqués en lien avec les déchets dans le milieu marin illustrent le faible niveau d’ambition réel de la France, et ce malgré les multiples annonces de cette dernière sur la scène internationale. Pourtant cette problématique requière des objectifs à la hauteur de l’urgence actuelle, à commencer par un ciblage des déchets en mer et pas seulement sur le littoral. De la même manière, aucun objectif n’aborde la problématique des décharges situées sur les côtes, pourtant ciblée par le plan national de résorption des décharges littorales en raison du risque d’effondrement de ces sites et, in fine, de déversement de ces déchets dans le milieu du fait de l’érosion côtière.
Les activités anthropiques : des objectifs socio-économiques encore trop limités pour permettre la durabilité de ces activités
Nous avons (encore) besoin de vous !
Nous vous encourageons vous aussi à participer à titre individuel à cette nouvelle phase de consultation, en cliquant sur le bouton ci-dessous :
Pour vous aider, nous avons préparé des paragraphes à copier-coller directement sur la plateforme.
Pour ce faire, après avoir sélectionné la façade à propos de laquelle vous souhaitez transmettre un message, rendez-vous tout en bas de la page.
Un premier champ ”donner votre avis” est proposé : ici, vous pouvez copier-coller le ou les paragraphes – issus des propositions faites ci-dessous – que vous souhaitez.
NB: nos propositions restent sur une vision générale, elle s’applique donc à toutes les façades.
Cochez ensuite les autres façades maritimes si vous le souhaitez.
Pour vous aider à contribuer, nous vous avons préparé une sélection des propositions dont il est primordial qu’elles soient prises en compte.
Pour information, l’intitulé des OE est construit à partir d’un descripteur de bon état écologique définit par la DCSMM, comme par exemple “D1” pour le descripteur 1 Biodiversité. Les objectifs environnementaux (OE) sont ensuite numérotés.
Chaque OE se décline de la manière suivante :
- Intitulé de l’objectif : Il s’agit du résultat à atteindre ;
- Indicateur(s) : Ce sont les critères grâce auxquels on pourra mesurer l’atteinte du bon état écologique ;
- Cibles : Associée à un indicateur, les cibles permettent de quantifier l’objectif à atteindre.
Objectifs liés à notre thématique "Protéger les espaces marins et côtiers"
Le texte à copier/coller :
D01-HE-OE01 : “Adapter la pression de pâturage et réduire les perturbations physiques des prés salés et végétation pionnière à salicornes liées aux activités anthropiques (de loisir et professionnelles).”
Il est regrettable qu’il n’existe pas d’OE spécifique aux prés salés méditerranéens, alors qu’il en existe pour les prés salés d’Atlantique. Afin de pallier ce manquement, nous proposons d’intégrer un nouvel OE D01-HB-OEx : “Adapter la pression de pâturage et réduire les perturbations physiques des prés salés méditerranéens des bas niveaux”. L’indicateur associé serait le même que l’indicateur 1 de cet OE01, avec pour cible “l’augmentation de la surface de prés salés en protection forte dans les secteurs concernés”.
D06-OE02 : “Limiter les pertes physiques d’habitat liées à l’artificialisation, de la limite haute du rivage de la mer jusqu’à 20 mètres de profondeur”.
Il y a un grand besoin d’harmonisation des indicateurs entre les façades. Plusieurs modifications doivent être effectuées :
- Ajouter les habitats génériques à l’indicateur 1
- Appliquer cet indicateur à l’ensemble des façades
- Appliquer l’indicateur 4 à l’ensemble des façades
- Trois indicateurs s’appliqueraient alors à l’ensemble des façades pour cet OE : l’indicateur 1 (modifié) concernant les pertes physiques des habitats particuliers et génériques, l’indicateur 2 laissé tel quel, et l’indicateur 4 concernant les perturbations physiques des habitats particuliers et génériques.
D07-OE01 : “Eviter les impacts résiduels notables* de la turbidité au niveau des habitats et des principales zones fonctionnelles halieutiques d’importance les plus sensibles à cette pression, sous l’influence des ouvrages maritimes, de l’extraction de matériaux, du dragage, de l’immersion de matériaux de dragage, des aménagements et de rejets terrestres”
Les autres façades pouvant bénéficier de cet OE et étant également concernées par l’activité d’extraction de granulats, on ne peut considérer qu’elles ne sont “pas concernées par cet OE”. Il faut appliquer cet OE à l’ensemble des façades maritimes.
Objectifs liés à notre thématique "Agir pour un environnement aquatique sain"
Le texte à copier/coller :
D08-OE07 : Réduire les rejets à la mer de contaminants d’origine terrestre (hors activités de dragage clapage)
Cet objectif pourrait gagner à être évalué à travers des indicateurs ciblant des contaminants plus précis et d’importance notable sur les façades. Ne serait-ce que sur les PFAS, enjeu souligné par l’Autorité environnementale, faire le suivi de la concentration de PFAS dans le milieu marin pourrait permettre d’effectuer une typologie des PFAS présents par façade, et ainsi réussir à mieux identifier leur origine. Il est pertinent d’ajouter un nouvel indicateur : “Concentration de PFAS mesurée en diminution une année sur l’autre”, avec pour cible “diminution”, et ce sur toutes les façades.
Nouvel OE pour le Descripteur 9
En alignement avec les enjeux actuels autour des PFAS ainsi que l’avis de l’Autorité environnementale, nous proposons d’intégrer un OE soulignant l’importance du monitoring des PFAS en eaux de baignade. Cet OE serait “Mise en place d’un programme de monitoring efficient sur les zones de baignade”, avec pour indicateur : “Nombre de sites de baignade faisant l’objet d’au moins 1 prélèvement PFAS annuel en saison estivale” et pour cible 100%.
Objectifs liés à notre thématique "Lutter contre la pollution plastique"
Le texte à copier/coller :
Nouvel OE pour le Descripteur 10
Les biomédias issus des stations d’épuration sont régulièrement retrouvés sur les littoraux. Ce type de pollution requiert un OE spécifique pour le suivi de la réduction de la quantité se retrouvant sur nos littoraux. Cet OE serait : “Réduire les apports et la présence de biomédias issus des stations d’épuration rétrouvés en mer et sur le littoral”, avec pour indicateur 1 : “Quantité de biomédias collectés sur les littoraux” et pour cible “Tendance à la baisse”. Cet objectif répond aux objectifs fixés par la DERU 2 visant la mise en œuvre de moyens de rétention adaptés au niveau des STEP. L’indicateur associé devrait donc permettre de surveiller l’efficacité des nouvelles mesures prises.
Objectifs liés aux activités maritimes
Les OSE sont triés par activités économique.
Le texte à copier/coller :
Sur les activités portuaires et le transport maritime
Les OSE concernant le transport maritime et espaces portuaires manquent cruellement d’éléments visant la réduction des impacts de l’aménagement du territoire autour des activités portuaires. Il serait pertinent d’inclure un nouvel OSE visant la réduction de la vitesse des navires de 40% en AMP et de 25% en dehors des AMP, tel que proposé dans les cahiers d’acteurs de Surfrider Foundation Europe.
La limitation de l’artificialisation du littoral, voire la renaturation de certains espaces, est indubitablement essentielle pour la pérennité d’activités dépendant d’une proximité à l’espace littoral et marin. Les ports doivent prendre pleine conscience du rôle qu’ils jouent dans l’artificialisation des littoraux, et, de fait, de leur responsabilité dans la mitigation de ce phénomène. Pour ce faire, il faut inclure deux nouveaux OSE : un visant à contenir les nouveaux aménagements liés à l’adaptation portuaire dans l’enceinte même des espaces déjà artificialisés des espaces portuaires, et un second visant à limiter le mitage portuaire sur les espaces naturels – voire les espaces protégés.
Dans un contexte de détricotage du droit de l’environnement vers une limitation drastique de la démocratie environnementale, on ne peut que s’inspirer du débat public ayant eu lieu concernant les projets de réindustrialisation et de décarbonation du territoire de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre du 2 avril au 13 juillet 2025. Afin d’encourager la transposition de ce dispositif sur d’autres zones portuaires, nous proposant un nouvel OSE visant 100% des Grands Ports Maritimes devant avoir organisé une concertation du public sur l’aménagement de son territoire d’ici 2030.
Sur les énergies marines renouvelables
Dans la continuité des propositions ci-dessus concernant la limitation de l’artificialisation, il convient d’inclure un objectif plus précis concernant l’atterrage et le raccordement et l’impact que ces travaux ont sur l’artificialisation du littoral. En ce sens, il serait bénéfique d’avoir un nouvel OSE proposant que 100% des atterrages et raccordement en zone déjà anthropisée.
Sur le tourisme et les activités de loisirs
Dans la continuité des OSE proposés dans la SFM et visant la transition écologique du nautisme, il est essentiel de proposer une mesure mentionnée à de nombreuses reprises dans le cadre de La mer en débat : la limitation, voire la suppression in fine, de l’activité de jet ski nautique. Il est impératif de poser un nouvel OSE visant l’interdiction des engins de loisir de type motomarine dans l’ensemble des aires marines protégées.
L’OSE 11C Favoriser l’aménagement de zones dédiées aux croisiéristes en renforçant les synergies ville/port sur le littoral semble ne pas prendre en compte les volontés des habitant.e.s du littoral dont la santé et le bien-être sont impactés par l’activité de croisière, en particulier sur la façade MED. Il est indéniable que davantage développer cette activité va à l’encontre des objectifs de sobriété qui s’imposent à nous.