tas de déchets - plastiques à usage unique

Traité plastique : une dernière chance à Genève ? 

En décembre dernier, les 175 pays réunis à l’occasion de la 5e session de négociation du Traité mondial sur les plastiques se sont quittés sans parvenir à trouver un accord. La faute, en grande partie, aux différents États producteurs de pétrole qui ont fait blocage sur les principaux points débattus durant les discussions.

N’ayant pas abouti, ce qui devait être la dernière session de négociation va finalement être suivie d’une nouvelle session, dite 5.2, qui se tiendra à Genève du 5 au 14 août prochain.

Comme les fois précédentes, l’enjeu est de taille. Les risques environnementaux et sanitaires liés à la pollution plastique ne sont plus à prouver : le plastique est présent partout, non seulement dans les écosystèmes et l’atmosphère, mais aussi dans la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous buvons et même à l’intérieur de nos corps. Il est urgent d’agir à l’échelle internationale !

Il est nécessaire d’aboutir à un texte conforme au mandat initial, juridiquement contraignant et ayant pour principe central la réduction de la production mondiale des plastiques, ainsi que la réduction, voire l’élimination, des produits et substances problématiques.

Surfrider sera présent et surveillera de près les négociations afin de faire pression et d’obtenir un Traité plastique juridiquement contraignant.

Contexte et enjeux : quelques rappels

  • Les négociations s’appuieront sur le dernier texte du président du Comité International de Négociations, Luis Vayas Valdivieso. Cependant, cette version présente un niveau d’ambition moindre que les précédentes sur des points essentiels comme la réduction de la production, et comporte plusieurs contradictions.
  • Le clivage entre les parties est net. D’un côté, 96 États ont approuvé en juin dernier l’appel de Nice (le Nice Wake Up Call) en faveur d’un traité ambitieux. De l’autre, une coalition menée par les pays producteurs de pétrole (Egypte, Arabie Saoudite, Kowait, Russie) s’oppose à toute mention du cycle de vie complet des plastiques, préférant limiter le traité à la seule gestion des déchets. Ces pays refusent également d’intégrer les préoccupations sanitaires et les données scientifiques les plus récentes.
  • Face à cette situation de blocage, certaines ONG et États progressistes plaident pour un recours au vote majoritaire plutôt qu’au consensus traditionnel. Le texte ou certains articles pourraient être soumis au vote des Etats. , Cela pourrait marquer un tournant dans la gouvernance environnementale internationale.

Les priorités de Surfrider

En tant que membre du mouvement Break Free From Plastic, nous souhaitons vivement que les États membres se mettent d’accord sur les dispositions d’un traité juridiquement contraignant afin d’inverser efficacement la tendance de la pollution plastique et contribuer à mettre fin à la triple crise planétaire des changements climatiques, de la perte de biodiversité et de la pollution.

Nous serons attentifs à certains points centraux :

Réduire la production mondiale : agir à la source

La priorité consiste à intégrer dans le traité un objectif contraignant et une cible de réduction de la production mondiale de matières plastiques.
Cette approche répond à une logique simple : pour réduire efficacement la pollution, il faut diminuer la production à la source. 

Le traité doit définir des lignes directrices scientifiques pour fixer des objectifs globaux, alignés sur les impératifs climatiques et de biodiversité. Cela implique également de renforcer significativement les annexes de l’article 3, qui dans leur forme actuelle, ne permettraient pas une réduction significative de la pollution plastique.
Il est indispensable d’y inclure une liste des produits à réduire en priorité – notamment les plastiques à usage unique (comme les bouteilles) – et une liste des produits à interdire, avec des échéances précises.

Les produits d’emballage, qui représentent 40% de la production plastique mondiale, doivent impérativement figurer dans ces restrictions, tout comme les additifs chimiques problématiques. À ce titre, plus d’une centaine d’ONG réclament une déplastification de notre eau.

Microplastiques ajoutés intentionnellement et filtres de cigarettes : des pollutions spécifiques à intégrer

Deux catégories de pollutions méritent une attention particulière :

  • Les microplastiques ajoutés intentionnellement dans de nombreux produits constituent une pollution invisible aux impacts considérables sur les écosystèmes marins. Leur maintien dans l’annexe de l’article 3 représente un enjeu crucial.
  • Les filtres de cigarettes, composés d’acétate de cellulose (plastique) constituent le déchet le plus fréquemment collecté sur les plages. Ils sont une source majeure de pollution chimique et microplastique de l’Océan.
    Le traité offre l’opportunité historique de les interdire à l’échelle mondiale.
    Déjà présents dans la proposition de texte du Chair, il est possible d’obtenir leur inclusion dans l’annexe des produits soumis à élimination, notamment grâce à une campagne portée par Surfrider.

    Pour y participer, cliquez juste là, en dessous !

Prévenir les rejets et fuites de microplastiques dans l'environnement

Au-delà des microplastiques ajoutés intentionnellement, le traité doit également s’attaquer aux rejets et fuites involontaires de microplastiques et notamment des granulés plastiques industriels qui représentent une source majeure de pollution. Les fuites de GPI (ou pellets), largement évitables par de meilleures pratiques industrielles, constituent la deuxième source la plus importante de microplastiques « primaires ».

Le traité doit donc intégrer des mesures contraignantes pour réduire drastiquement ces pertes industrielles et encadrer strictement les pratiques de manipulation, transport et stockage de ces matières plastiques.

Privilégier les solutions durables aux fausses alternatives

Le traité doit promouvoir les systèmes de réutilisation et de recharge (consigne) plutôt que les fausses solutions, telles que les bioplastiques ou les plastiques biodégradables, largement promues par l’industrie qui seront présentes en nombre dans les négociations. Bien que présentés comme écologiques, elles restent partiellement issues du pétrole, nécessitent des processus de fabrication polluants et présentent une fin de vie similaire aux plastiques conventionnels.

Pour de nombreux produits plastiques à usage unique, des alternatives durables existent déjà, notamment le réemploi. Le traité doit intégrer des objectifs clairs de réduction des plastiques à usage unique via le développement des systèmes de réemploi.

L’approche doit reposer sur une conception véritablement circulaire, intégrant dès la conception les principes de durabilité, de réutilisation et de sobriété matérielle.

Garantir un financement équitable et efficace

Le financement constitue un levier déterminant pour la réussite du traité. Les dispositifs de responsabilité élargie du producteur (REP), application du principe pollueur-payeur, peuvent constituer des outils efficaces s’ils deviennent de véritables instruments de transformation privilégiant la réduction à la source.

Les REP ne doivent pas se limiter au financement de la gestion des déchets, mais intervenir en amont pour réduire la mise sur le marché de produits problématiques. Cela nécessite des mécanismes incitatifs efficaces : bonus-malus ambitieux, exclusion des produits dangereux ou non recyclables, suivi transparent et gouvernance impliquant la société civile et non uniquement centrée autour des producteurs.

D’autres leviers méritent d’être explorés, notamment une taxe mondiale sur les polymères plastiques vierges pour responsabiliser davantage le secteur privé.

Les financements ne doivent soutenir ni les technologies à fort impact climatique, ni les dispositifs peu fiables comme les crédits plastiques. Ils doivent privilégier les solutions de sobriété et d’économie de matière, particulièrement le réemploi, pour ancrer durablement la transition dans les modèles industriels.

Lutter contre les conflits d'intérêts

Le traité doit intégrer des mesures explicites contre les conflits d’intérêts pour se protéger des pressions commerciales, particulièrement celles des industries du plastique, du tabac, des combustibles fossiles et de la pétrochimie. Ces secteurs déploient des moyens considérables pour influencer les négociations et affaiblir les mesures contraignantes.

Une dernière chance pour l'action internationale

Ces dix journées genevoises détermineront si la communauté internationale saura adopter le premier traité contraignant sur la pollution plastique. Les négociateurs ont l’opportunité de créer un précédent historique dans la gouvernance environnementale mondiale.

Il ne s’agit pas de négocier un énième traité sur la gestion des déchets, mais bien d’adopter un instrument juridique qui s’attaque à la production elle-même, ce que les ONG ne cesseront de rappeler aux négociateurs.

Surfrider sera présent pour porter les exigences de protection de l’Océan et défendre un traité véritablement à la hauteur des enjeux.
Car au-delà des aspects techniques et diplomatiques, c’est bien l’avenir de nos écosystèmes aquatiques et le nôtre qui se joue dans cette ultime session de négociation.

Table des matières

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