Réseau mondial des affiliés de Surfrider Foundation
2 juin 2025
Nous, membres du réseau mondial de Surfrider Foundation, protégeons et préservons l’océan et les communautés qui en dépendent et en jouissent depuis des décennies à travers le monde. La troisième Conférence des Nations Unies sur l’océan (UNOC 3), qui se tiendra à Nice (France) du 9 au 13 juin et est coorganisée par la France et le Costa Rica, représente une occasion majeure d’évaluer les progrès accomplis vers l’objectif de développement durable (ODD) 14 « Vie aquatique » et de faire progresser des actions concrètes pour protéger et utiliser durablement l’océan.[1]
Face à une crise environnementale de plus en plus alarmante – marquée par l’accélération de la perte de biodiversité, le changement climatique et la crise croissante de la pollution marine, notamment plastique – l’UNOC 3 intervient à un moment critique et a le potentiel de préparer le terrain à des actions conjointes transformatrices et à des accords internationaux, y compris le très attendu traité mondial sur les plastiques, dont les négociations se poursuivront en août à Genève. Le réseau mondial de Surfrider Foundation est prêt à contribuer à ce moment historique et appelle les gouvernements à transformer leurs engagements en actions concrètes et à intensifier leurs efforts !
UNOC 3 : une opportunité pour inverser la tendance et assurer un océan sain sans plastique, en amont de Genève
Le réseau mondial de Surfrider Foundation a collecté des données sur la pollution plastique, le principal type de déchets affectant nos océans, mers et espaces bleus, visibles (macroplastiques) comme invisibles (microplastiques et nanoplastiques), qui servent de base pour plaider en faveur de politiques ambitieuses fondées sur la science. Mais les ONG ne peuvent pas résoudre cette crise seules. Durant ces mêmes décennies, la pollution plastique a persisté en raison d’une production mondiale croissante et d’un manque d’ambition des décideurs politiques et des acteurs économiques.
- La pollution plastique nuit à plus de 700 espèces marines, dont plus de 90 % des oiseaux de mer, par ingestion, enchevêtrement ou perturbation de l’habitat. D’ici 2050, 99 % des oiseaux de mer auront ingéré du plastique [2] ;
- La production mondiale de plastique a atteint 460 millions de tonnes en 2019 et devrait tripler d’ici 2060, dont plus de la moitié finirait en décharge [3] ;
- Les plastiques contiennent plus de 16 000 substances chimiques connues, dont un quart sont reconnues comme dangereuses, tandis que 66 % ne disposent d’aucune donnée toxicologique. À ce jour, seulement 6 % sont réglementées au niveau mondial ;
- Des microplastiques ont été détectés dans nos organes – poumons, foie, cerveau, et même dans 100 % des échantillons de placenta testés – soulevant de sérieuses préoccupations sanitaires[4], notamment un risque accru de développer du diabète, des maladies cardiovasculaires ou divers cancers [5] ;
- La pollution plastique aggrave les impacts d’autres crises affectant l’océan, comme la perte de biodiversité et le changement climatique. Elle compromet ainsi la résilience de l’océan et sa capacité à fournir des services écosystémiques vitaux pour les générations actuelles et futures : séquestration du carbone, production d’énergie, alimentation, loisirs, santé humaine, etc. ;
- Le droit à un environnement propre et sain est de plus en plus reconnu comme un droit humain. Or, la pollution plastique mine ce droit, en exposant les populations voisines – notamment les ramasseurs de déchets informels – à des émissions toxiques et à des dommages écologiques durables.
Bien que la pollution marine ait été l’une des premières crises environnementales reconnues à l’échelle internationale, nous sommes encore loin de la résoudre. Malgré son ampleur et son urgence, la pollution plastique est restée largement absente de l’agenda de l’UNOC depuis plusieurs mois — une omission qui doit être rapidement corrigée et renforcée dans la Déclaration finale de l’UNOC 3.
Les plastiques doivent rester une priorité, en particulier sur la scène internationale. La cinquième session de négociations, tenue à Busan (Corée du Sud) en décembre 2024, s’est conclue sans accord final. Malgré des avancées significatives, les négociations ont buté sur l’opposition de certains grands pays producteurs de plastique. L’UNOC doit affirmer la priorité donnée aux plastiques avant la prochaine session de négociations, notamment en renforçant le langage à ce sujet dans la Déclaration de l’UNOC 3, afin de maintenir la dynamique et d’élever l’ambition pour un traité efficace et audacieux.
À cet effet, Surfrider appelle les États membres à réaffirmer leur volonté d’adopter un traité ambitieux qui :
- élimine la pollution à la source ;
- protège l’environnement et la santé humaine des effets nocifs des plastiques, y compris micro et nanoplastiques, dans une approche de cycle de vie fondée sur le principe de précaution ;
- intègre tout le cycle de vie des plastiques, de la production à la pollution marine ;
- fixe un objectif mondial de réduction des plastiques de 75 % d’ici 2050, aligné sur l’Accord de Paris, avec des mesures juridiquement contraignantes s’appliquant à tous les États parties ;
- respecte les droits humains, la justice sociale et environnementale tout au long de la chaîne de valeur ;
- élimine les produits plastiques les plus problématiques et les substances préoccupantes ;
- favorise le zéro déchet, les systèmes de réutilisation et de recharge, encourage l’éco-conception et encadre le développement de solutions alternatives appropriées.
UNOC 3 : il est temps de sortir des silos et d’adopter une approche holistique face à la triple crise planétaire
La science est claire : nous faisons face à une triple crise planétaire. Le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution croissante – notamment plastique – tous causés par l’activité humaine, représentent une menace sans précédent pour l’océan, la nature, les communautés côtières, les droits humains, la santé et les générations futures. Ces menaces interconnectées nécessitent une réponse audacieuse et coordonnée, incluant la lutte contre la pollution plastique à sa source.
La pollution plastique alimente la crise climatique et celle de la biodiversité : en 2019, la production de plastiques représentait 3,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre [6], sur tout le cycle de vie des plastiques. 99 % des plastiques sont fabriqués à partir de combustibles fossiles, ce qui en fait une source majeure de pollution de l’industrie pétrolière et gazière. Le plastique est désormais vu comme une opportunité de croissance par les géants des énergies fossiles.
Les impacts sur la biodiversité marine se manifestent également à chaque étape du cycle de vie du plastique, depuis l’extraction offshore d’hydrocarbures jusqu’aux microplastiques ajoutés aux produits, relâchés dans l’environnement par abrasion, perte, fuite, etc. Les macroplastiques (comme les plastiques à usage unique) tuent chaque année des millions d’animaux marins par suffocation, enchevêtrement ou ingestion[7]. La pollution plastique contribue également à la destruction des habitats marins, notamment des récifs coralliens et des mangroves [8], essentiels à l’adaptation au changement climatique.
L’UNOC 3 représente une opportunité unique d’abandonner les approches fragmentées pour adopter une stratégie globale de protection de l’océan. Cela implique des solutions positives pour la biodiversité, de l’ambition politique, et une volonté d’agir.
À cette fin, Surfrider réitère l’urgence de :
- mettre en place des mesures fondées sur la science, tout en reconnaissant les savoirs communautaires et autochtones ;
- interdire immédiatement l’exploration et l’exploitation offshore d’hydrocarbures, ainsi que cesser les subventions aux énergies fossiles ;
- réduire les émissions, diminuer la demande énergétique mondiale et développer les énergies renouvelables de manière respectueuse de la biodiversité et en dialogue avec la société civile ;
- préserver et restaurer les écosystèmes côtiers et marins, notamment les écosystèmes de carbone bleu, pour leurs multiples co-bénéfices ;
- intégrer dans les Contributions Déterminées au niveau National (CDN) des solutions basées sur la nature pour l’adaptation et la séquestration du carbone ;
- garantir d’ici 2030 la conservation et la gestion efficaces d’au moins 30 % des zones marines et côtières, dont 10 % sous restauration active (« 30×30 ») ;
- accélérer l’adaptation des territoires côtiers et insulaires au changement climatique, notamment via la Coalition pour la Résilience et l’Élévation des Océans qui sera lancée avant l’UNOC 3 ;
- faire évoluer notre économie bleue mondiale vers un modèle à faible impact, sans pollution et régénératif, en mettant fin aux activités destructrices en mer et sur les côtes et en réduisant les impacts des activités terrestres ;
- adopter un moratoire mondial sur l’exploitation minière en eaux profondes ;
- ratifier de toute urgence le traité BBNJ (Biodiversité au-delà de la juridiction nationale) d’ici fin 2025 ;
- interdire immédiatement l’usage et le transport de fioul lourd (HFO) par les navires dans l’Arctique et réduire drastiquement les impacts du transport maritime : pertes de conteneurs, déchets, émissions sonores et émissions de GES.
Références (notes de bas de page intégrales) :
[1] Voir par exemple nos recommandations conjointes : Recommendations from Surfrider International affiliates for the second session of the Intergovernmental Negotiating Committee on the UNEA Resolution 5/14 to End Plastic Pollution (mai 2023) ; Ocean Call (août 2019) : https://www.surfrider.eu/wp-content/uploads/2019/08/oceancall_long_EN.pdf
[2] Van Maanen, M. A., et al. The Challenges of Plastics in the Marine Environment. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 112, no. 38. pp 11600–11605. 2015.
[3] Perspectives mondiales des plastiques : scénarios d’action à l’horizon 2060, OCDE, 2022
[4] Plasticenta: First evidence of microplastics in human placenta, Antonio Ragusa, et al. Raman Microspectroscopy Detection and Characterisation of Microplastics in Human Breastmilk, Antonio Ragusa et al., 2002
[5] Symeonides et al. An Umbrella Review of Meta-Analyses Evaluating Associations between Human Health and Exposure to Major Classes of Plastic-Associated Chemicals. Annals of Global Health, 2024; 90 (1): 52, 1–54.
[6] OCDE. Plastics: The Environmental Crisis. 18 août 2022.
[7] Commission européenne. Microplastics: A European Overview. JRC Scientific and Technical Reports. 2017
[8] Suyadi & Manullang. Distribution of plastic debris pollution and it is implications on mangrove vegetation. Marine Pollution Bulletin, 160, 111642 (2020).