
Depuis la catastrophe du 26 décembre 2004 dans l’océan Indien, la communauté internationale a pris conscience des capacités dévastatrices des tsunamis. Dès lors, de nombreux pays dont la France ont mis en oeuvre différents programmes de recherche pour étudier cet aléa naturel et évaluer les risques qui lui sont associés *1 . Des études approfondies de modélisation numérique de tsunami sont menées conjointement avec des enquêtes de terrain (recherche d’archives et de dépôts de paléotsunamis * 2 ). Elles permettent d’identifier quelles sont les zones les plus propices à générer des tsunamis et quelles sont celles qui vont les amplifier, rendant vulnérables certaines zones anthropisées *3
En France par exemple, plusieurs équipes de divers organismes comme le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique), l’ENS (Ecole normale supérieure), le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), le SHOM (Service Hydrographique et Océanographique de la Marine) ou encore IFREMER travaillent sur le sujet.
Ainsi, bien que ne se situant pas dans une zone où les tsunamis sont fréquents comme cela peut être le cas dans l’océan Pacifique ou l’océan Indien, le littoral français n’est pas à l’abri d’un tel phénomène, que ce soit sur sa façade atlantique, comme nous le rapportent les documents historiques faisant état du tsunami dévastateur de 1755 associé au séisme de Lisbonne (Horsburgh et al., 2008), mais aussi sur ses côtes méditerranéennes où une poignée de tsunamis ont été répertoriés: parmi les plus connus se trouvent le tsunami dit de « Mer Ligure » en 1887, celui de Nice de 1979 (glissement de terrain de l’aéroport de Nice) et celui associé au séisme de Zemmouri-Boumer dès de 2003 avec des hauteurs de « vagues » de l’ordre de 1 à 2 m aux Baléares et dans certains ports de la côte d’Azur (Sahal et al., 2009). Des vagues anormales (soudaines et non associées à des tempêtes) ont également été relatées en Manche au travers de nombreux témoignages historiques (Haslett et Bryant, 2008) sans que pour autant leur association à un tsunami ait pu être vérifiée à l’heure actuelle.Concernant nos voisins européens, certains comme le Portugal (séismes et tsunamis de 1755, 1969, etc.), l’Italie ou la Grèce sont bien moins lotis.
En effet l’Italie du sud (Sicile et Calabre) et la Grèce sont situées au niveau de zones de subduction, c’est-à-dire des endroits où les plaques tectoniques plongent les unes sous les autres, générant ainsi de forts séismes et par la même occasion des tsunamis dévastateurs. Ce ne sont pas moins de 350 tsunamis que les témoignages historiques ont fait remonter jusqu’à nous (voir figure 1).En approfondissant les recherches, on découvre que les séismes ne sont pas les seuls responsables à l’origine des tsunamis : les glissements de terrains (dans les Fjords norvégiens par exemple, méga-glissement du Storegga daté de 8000 ans) ou les éruptions volcaniques (comme celle du Santorin en Grèce aux alentours de 1600 av. J.C. qui serait à l’origine de la disparition de la civilisation Minoenne ou celle du Stromboli en décembre 2002) peuvent également avoir les capacités à générer des tsunamis pluri-métriques.
A noter toutefois que la taille de la plupart des tsunamis ayant touchés les côtes d’Europe de l’ouest et les conséquences économiques et sociales qu’ils ont pu engendrer sont bien moindre qu’en Méditerranée orientale (Italie, Grèce), ou que dans l’océan Indien ou l’océan Pacifique, exception faite pour le cas particulier du tsunami de Lisbonne *4 de 1755.
Concernant l’Europe de l’ouest et donc la France, les nombreuses études passées ou en cours on montré que le risque tsunami y est faible à modéré. Les tsunamis ont frappé le littoral français par le passé, tout comme les littoraux espagnols, portugais, anglais, etc. mais leur période de récurrence est plutôt faible. Le risque majeur vient plutôt de la littoralisation *5 de manière exponentielle (aujourd’hui 50% de la population mondiale vit dans la bande côtière des 200 km pour 75% d’ici 2025, d’après l’UNESCO *6 ) et de l’héliotropisme *7 marqué dans certaines zones « à risque ».
Pour information, en partie à la suite du rapport parlementaire du Sénateur de l’Aude Roland Courteau *8 , un centre d’alerte (détection, analyse, alerte) au tsunami pour la France métropolitaine et plus largement, pour la Méditerranée occidentale et l’Atlantique nord-est, est en cours de mise en place et devrait être opérationnel mi-2012 .
auteur: J. ROGER, Ingénieur à l’Ecole normale supérieure, Paris, responsable de l’antenne Surfrider d’ Ille et Vilaine
1 L’aléa est représenté ici par le phénomène dangereux « tsunami » ; si il y a des enjeux humains, économiques ou environnementaux dans la région impactée, on parlera d’un risque : risque = aléa x enjeux
2 Tsunamis historiques révélés par leurs dépôts sédimentaires caractéristiques
3 Zones habitées, occupées par l’homme
4 Séisme de magnitude estimée entre 8.5 et 9.0 le classant ainsi dans les 10 plus gros séismes connus historiquement
5 En gros, elle correspond à la migration des populations vers les côtes et la maritimisation de l’économie
6 http://www.unesco.org/csi/wise/wise6f.htm
7 Tourisme lié au soleil et aux plages
8 http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-off/i0488.asp9 http://www.cea.fr/le_cea/actualites/creation_du_centre_d_alerte_aux_tsunamis_-22896
Références
Haslett, S.K., Bryant, E.A. (2008). Historic tsunami in Britain since AD 1000: a review. Nat. Hazards Earth System Sciences, 8, 587-601.
Horsburgh, K.J., Wilson, C., Baptie, B.J., Cooper, A., Cresswell, D., Musson, R.M.W., Ottemöller, L., Richardson, S., Sargeant, S.L. (2008°. Impact of a Lisbon-type tsunami on the U.K. coastline and the implications for tsunami propagation over broad continental shelves. Journal of Geophysical Research, 113(C04007).
Roger, J., Allgeyer, S., Daubord, C., Hébert, H. (2010). L’aléa tsunami en France métropolitaine. Actes du colloque Risques naturels en Méditerranée occidentale, Carcassonne, France, Novembre 2009.
Sahal, A., Roger, J., Allgeyer, S., Lemaire, B., Hébert, H., Schindelé, F., Lavigne, F. (2009). The tsunami triggered by the 21 May 2003 Boumerdes-Zemmouri (Algeria) earthquake : field investigations on the French Mediterranean coast and tsunami modelling . Natural Hazards and Earth System Sciences. 9, 1823-1834.