Les SFN pour protéger les littoraux : comment ça marche ?

Les Solutions fondées sur la Nature représentent une approche innovante et prometteuse pour relever les défis majeurs auxquels nos littoraux sont confrontés. Mais entre la compréhension du concept et sa mise en œuvre concrète sur le terrain, il y a parfois un cap essentiel à franchir.
Comment, concrètement, des écosystèmes naturels peuvent-ils nous protéger efficacement des tempêtes et de la montée des eaux ? Quels sont les mécanismes naturels à l’œuvre dans une dune, un marais ou une mangrove qui en font des remparts contre la mer ?
Après avoir exploré les principes fondamentaux et les bénéfices multiples des SFN, il est temps de plonger au cœur de leur fonctionnement. Car si l’idée de « laisser la nature nous protéger » peut sembler séduisante, elle reste abstraite tant qu’on n’en comprend pas les mécanismes précis…

🌱

Préserver, restaurer et gérer durablement les plages et les dunes

Le système plage-dune constitue notre premier rempart naturel face à la mer. Sa préservation et sa restauration, incluant les forêts dunaires, représentent donc une priorité absolue. L’action principale consiste à favoriser la végétalisation, qui permet de retenir et de stabiliser le sable.

Les bénéfices de cette approche sont multiples et complémentaires. Contre la mobilité dunaire, la végétation fixe efficacement le sable et dissipe l’énergie du vent, empêchant les dunes de se déplacer vers l’intérieur. Contre l’érosion, la stabilisation du sable réduit considérablement les risques de perte de matière. Face aux submersions marines, les dunes constituent un obstacle physique efficace qui absorbe l’énergie des vagues.

Mais le plus remarquable réside dans la résilience du système : les transferts naturels de sable entre la plage et la dune permettent une adaptation dynamique aux aléas. Lors d’une tempête, la dune peut perdre du sable qui vient alimenter la plage, absorbant ainsi l’énergie des vagues. Lors des périodes calmes, le vent ramène progressivement ce sable vers la dune, reconstituant naturellement le stock. Ce mécanisme d’autorégulation, gratuit et automatique, est impossible à reproduire avec des infrastructures artificielles.

🌱

Préserver, restaurer et gérer durablement les marais, estuaires et lagunes

Ces écosystèmes jouent un rôle crucial de zones tampons face aux aléas naturels. Leur capacité à stocker temporairement de grandes quantités d’eau en cas de submersion permet d’atténuer considérablement l’impact des tempêtes sur les zones habitées situées en arrière.

Les marais et les estuaires fonctionnent comme des éponges naturelles, absorbant les surplus d’eau lors des événements exceptionnels et les restituant progressivement ensuite. Cette régulation hydrique naturelle offre également des solutions prometteuses pour gérer la montée progressive du niveau de la mer, en créant des zones d’expansion qui s’adaptent naturellement à la nouvelle configuration.

🌱

Dépoldériser et démanteler les infrastructures côtières

La dépoldérisation peut sembler contre-intuitive au premier abord : il s’agit de « rendre à la mer » certains espaces qui en avaient été gagnés par l’homme. Concrètement, cela consiste à créer ou agrandir des zones d’expansion des eaux pour faire face aux crues ou aux submersions marines, en démantelant des infrastructures situées en zones littorales.

L’objectif est de laisser davantage d’espace aux écosystèmes pour qu’ils puissent retrouver un fonctionnement plus naturel. Ces espaces reconquis par la nature jouent ensuite un rôle d’amortisseur des aléas littoraux, protégeant d’autant mieux les zones habitées situées plus en retrait.

Cette approche nécessite évidemment une planification soigneuse et une concertation avec tous les acteurs concernés, mais elle s’avère souvent plus efficace et moins coûteuse à long terme que le maintien d’infrastructures défensives de plus en plus difficiles à protéger.

🌱

Préserver et restaurer les mangroves, récifs coralliens et herbiers marins

Ces écosystèmes, particulièrement présents en outre-mer, possèdent des capacités de protection exceptionnelles qui ont été scientifiquement documentées.

Les mangroves, ces forêts tropicales amphibies, sont de véritables barrières naturelles contre les cyclones et les tsunamis. Une donnée suffit à illustrer leur efficacité : 75 % de l’énergie d’une vague est dissipée lorsqu’elle traverse 200 mètres de mangroves. Cette capacité remarquable à atténuer l’énergie des vagues permet de réduire drastiquement l’érosion côtière.

Les herbiers marins, pour leur part, agissent comme des facteurs de régulation des courants. En ralentissant les flux d’eau et en piégeant les sédiments, ils participent activement à la stabilité du littoral. Leur rôle dans le maintien de la qualité de l’eau et comme nurserie pour de nombreuses espèces marines en fait des écosystèmes particulièrement précieux.

Quant aux récifs coralliens, une étude d’évaluation économique menée par l’IFRECOR (Initiative Française pour les Récifs Coralliens) a démontré qu’ils évitent des dommages considérables liés aux inondations lors des cyclones. Ils contribuent également de manière significative à la protection des plages et du littoral contre l’érosion, tout en constituant des hotspots de biodiversité marine exceptionnels.

Exemples de réussites

Partout en France et en Europe, des projets de restauration écologique voient le jour et démontrent l’efficacité des SFN. De nombreux sites Natura 2000 abritent des projets ambitieux de restauration dunaire qui ont permis de stabiliser des secteurs en érosion active. Des opérations de dépoldérisation menées dans plusieurs estuaires ont recréé des zones humides fonctionnelles qui jouent désormais pleinement leur rôle de protection et d’accueil de la biodiversité.

La restauration de marais littoraux sur le littoral atlantique a permis de réduire significativement les risques de submersion pour les communes situées en arrière, tout en créant des espaces naturels remarquables.

🌱

Les multiples co-bénéfices des SFN

Au-delà de la protection contre les risques naturels, qui constitue déjà un argument majeur, les Solutions fondées sur la Nature offrent une multitude d’autres avantages qui en font une approche véritablement gagnante sur tous les tableaux.

Pour la biodiversité

Les écosystèmes côtiers restaurés ou préservés constituent des habitats essentiels pour d’innombrables espèces animales et végétales. Ils forment des couloirs écologiques qui permettent aux espèces migratrices de se déplacer le long des côtes. Zones de reproduction, d’alimentation et d’hivernage, ils accueillent une biodiversité remarquable.
En restaurant ces écosystèmes pour nous protéger, nous restaurons simultanément la biodiversité. Ce double bénéfice est impossible à obtenir avec des infrastructures grises.

Pour le climat : le carbone bleu

Les écosystèmes côtiers tels que les mangroves, les herbiers marins ou les prés salés sont des puits de carbone particulièrement efficaces. Ils capturent et stockent le CO2 atmosphérique dans leur biomasse et dans les sédiments. Ce « carbone bleu » représente un atout majeur dans la lutte contre le changement climatique.

Les SFN offrent ainsi un double bénéfice climatique exceptionnel : elles permettent à la fois l’atténuation et l’adaptation (protection contre les impacts du changement climatique). Peu de solutions peuvent revendiquer une telle efficacité sur ces deux fronts simultanément.

Pour la qualité de l'eau

La végétation des écosystèmes côtiers agit comme un filtre naturel, épurant les eaux qui transitent à travers elle. Les polluants sont captés, les nutriments en excès sont absorbés, les sédiments sont piégés. Cette filtration naturelle contribue à améliorer significativement la qualité des eaux côtières, et par extension, la qualité des eaux de baignade – un enjeu majeur pour les communes littorales.

Pour le bien-être et la santé

Les espaces naturels littoraux offrent des lieux de loisirs et de détente exceptionnels. La connexion à la nature qu’ils permettent génère des bénéfices psychologiques aujourd’hui bien documentés par les études scientifiques : réduction du stress, amélioration de l’humeur, stimulation de la créativité. Ces espaces favorisent la pratique d’activités sportives en plein air, contribuant à la santé physique des populations.

🌱

Défis, limites et approches hybrides

Aussi prometteuses soient-elles, il est important de préciser que les Solutions fondées sur la Nature ne constituent pas une solution miracle universelle applicable en toutes circonstances. Comme toute approche, elles comportent des limites et doivent faire face à certains défis.

Les contraintes d'espace

Les SFN ont besoin d’espace pour fonctionner efficacement. Un système dunaire protecteur doit avoir une certaine largeur, un marais doit disposer d’une superficie suffisante pour jouer son rôle de zone tampon. Or, dans les zones très urbanisées, le foncier est rare, cher, et souvent déjà entièrement construit.

Cette contrainte peut nécessiter des choix difficiles : reculer certaines constructions, dé-imperméabiliser des zones, renoncer à certains projets d’aménagement. Ces décisions, même lorsqu’elles sont justifiées à long terme, peuvent être difficiles à accepter pour les populations et les élus locaux.

Le temps de mise en place

La restauration d’un écosystème demande du temps, parfois plusieurs années, avant d’atteindre sa pleine efficacité. On ne crée pas une dune un jour pour qu’elle nous protège de la tempête du lendemain. Cette temporalité longue peut être frustrante face à un risque immédiat et urgent.

Cette caractéristique impose une planification à long terme et une vision stratégique de l’aménagement du territoire. Elle nécessite aussi d’accepter une certaine incertitude et de faire confiance aux processus naturels.

Les défis de gouvernance

La mise en œuvre des SFN nécessite la coordination de multiples acteurs : l’État, les collectivités territoriales à différents échelons, les associations environnementales, les propriétaires privés, les acteurs économiques… Cette multiplicité d’intervenants peut complexifier la prise de décision et ralentir les projets.

L’acceptation sociale constitue aussi un enjeu majeur. Certaines solutions, comme la dépoldérisation ou le recul stratégique du trait de côte, peuvent être perçues comme un « abandon » ou une « reddition » face à la mer. Convaincre qu’il s’agit au contraire d’une approche intelligente et durable demande un important travail de pédagogie et de concertation.

Situations où les SFN seules ne suffisent pas

Il existe des contextes où les Solutions fondées sur la Nature seules peuvent s’avérer insuffisantes. Dans certaines zones très urbanisées ou particulièrement exposées, où l’espace manque cruellement et où le risque est immédiat, elles peuvent ne pas offrir une protection suffisamment rapide ou complète.

Face à ce genre de situation, et selon les contextes locaux, les SFN et les infrastructures d’ingénierie civile peuvent alors être combinées intelligemment selon le principe suivant : privilégier systématiquement les SFN en première ligne, et ne recourir aux infrastructures grises qu’en complément, là où elles s’avèrent strictement nécessaires.
Cette approche hybride permet de bénéficier des avantages des deux systèmes : la fiabilité immédiate des infrastructures en cas de besoin urgent, et les multiples co-bénéfices ainsi que la durabilité des SFN.

🌱

Comment agir ? Le rôle de chacun

Les Solutions fondées sur la Nature ne sont pas qu’une affaire de spécialistes ou de décideurs politiques. Elles nous concernent tous, car nous sommes tous, à des degrés divers, usagers et bénéficiaires des espaces littoraux. Chacun peut contribuer à leur déploiement et à leur réussite.

Respecter les espaces naturels littoraux constitue le premier geste à la portée de tous. Lorsque vous vous promenez sur le littoral, restez sur les sentiers balisés et évitez de piétiner les dunes et la végétation dunaire. Ces plantes qui semblent fragiles jouent un rôle essentiel dans la fixation du sable. Ne prélevez pas de sable, de galets ou de plantes, même en petite quantité : multipliés par des millions de visiteurs, ces prélèvements individuels deviennent un facteur d’érosion significatif.

Table des matières

L'écho bleu

La newsletter de Surfrider

ces articles peuvent vous intéresser

Les Solutions fondées sur la Nature : une réponse durable aux risques littoraux

Nos plages en danger : comprendre les menaces qui pèsent sur les espaces littoraux

La plage : bien plus qu’une étendue de sable

La mer en débat : la mobilisation continue