EN BREF
En juin 2025, l’Union européenne a présenté le Pacte Européen pour l’Océan, un dispositif qui unifie l’ensemble des politiques européennes relatives à l’Océan.
Objectif : diviser par deux la pollution plastique et restaurer 20% des écosystèmes marins européens d’ici 2030.
Le Pacte s’articule autour de six axes : préserver la santé marine, développer une économie bleue responsable, accompagner les territoires maritimes, faire progresser la connaissance océanique, renforcer la sécurité maritime et amplifier la diplomatie océanique.
Un Conseil des océans réunira toutes les parties prenantes, et une législation spécifique viendra compléter le dispositif d’ici 2027.
Si les organisations environnementales saluent certaines avancées, elles pointent d’importantes lacunes : absence de plan d’action contraignant, financements insuffisants et manque de mesures concrètes pour éliminer le chalutage de fond dans les aires protégées. Des objectifs juridiquement contraignants sont nécessaires pour garantir l’efficacité du dispositif.
Avec près de 70 000 kilomètres de littoral et 40 % de sa population installée à proximité des côtes, l’Europe entretient un lien particulier avec l’Océan. L’Union européenne dispose aujourd’hui de la plus vaste zone maritime collective mondiale, et les activités liées à l’océan génèrent 250 milliards d’euros de richesse économique.
Face à ces enjeux considérables, l’UE a présenté, lors du sommet des Nations unies pour l’Océan 2025 en juin dernier, un dispositif très attendu par les acteurs de la protection marine : le Pacte Européen pour l’Océan.
Un cadre unifié pour protéger l'océan
Le Pacte Européen pour l’Océan répond à une attente forte des organisations environnementales spécialisées dans la protection marine.
Son objectif ? Rassembler toutes les politiques européennes touchant à l’Océan pour créer une vision d’ensemble cohérente et éviter la dispersion des efforts.
Plutôt que de multiplier les initiatives isolées, la Commission européenne souhaite établir une stratégie globale de gestion océanique. Pour y parvenir, elle a notamment consulté plus de 140 organisations, qui ont alors contribué à définir les mesures nécessaires à travers leur Blue Manifesto, un document de référence proposant des actions concrètes.
L’architecture du Pacte prévoit également la création d’un Conseil des océans, réunissant l’ensemble des parties prenantes, y compris les ONG. Un tableau de bord permettra de suivre les avancées réalisées. Les ambitions affichées sont substantielles : diviser par deux la pollution plastique et par les nutriments, et restaurer un cinquième des écosystèmes marins européens avant 2030.
Pour garantir la mise en œuvre de ces engagements, une législation spécifique sur l’Océan viendra compléter le dispositif d’ici 2027.
Six axes prioritaires d'intervention
Le Pacte s’articule autour de six domaines d’action complémentaires, conçus pour répondre aux défis majeurs auxquels nos océans font face.
Préserver et régénérer la santé marine
Les pressions humaines sur les écosystèmes marins se multiplient, menaçant la biodiversité et les populations côtières. Pour inverser cette tendance, le Pacte prévoit de revoir la directive sur la planification maritime, cet outil qui organise les différentes activités en mer. Les États membres seront encouragés à développer des zones de protection marine et à créer des réserves de carbone bleu, ces écosystèmes côtiers aux multiples bénéfices.
Développer une économie bleue compétitive et responsable
Pêche, aquaculture, transport maritime, tourisme côtier, énergies marines : l’océan soutient de nombreux secteurs économiques essentiels. Mais une évidence s’impose : ces activités ne peuvent prospérer durablement que si l’océan reste en bonne santé. Impossible d’imaginer une pêche viable sans ressources halieutiques, ou un tourisme balnéaire durable sans une qualité d’eau irréprochable.
Le Pacte propose donc de réévaluer la Politique Commune de la Pêche, de définir une vision à long terme pour la pêche et l’aquaculture d’ici 2040, et de lancer une stratégie pour un tourisme durable, en mettant l’accent sur la réduction des émissions et l’innovation.
Accompagner les territoires maritimes
Les communautés côtières, insulaires et les régions ultrapériphériques constituent les piliers d’une économie bleue durable. Elles approvisionnent l’Europe en produits de la mer de qualité et en énergies renouvelables marines. Leur avenir mérite une attention particulière : le Pacte prévoit l’élaboration d’une nouvelle stratégie pour les îles européennes, une actualisation de l’approche pour les régions ultrapériphériques, et une stratégie dédiée au développement des communautés côtières.
Faire progresser la connaissance de l’océan
L’Europe, leader mondial en sciences océaniques, entend améliorer notre compréhension de l’Océan et rendre ces connaissances accessibles à tous. Cette ambition se traduit par plusieurs initiatives : le lancement d’un programme d’observation océanique, la création d’un jumeau numérique européen de l’océan d’ici 2030 (une modélisation digitale complète de l’Océan européen, alimentée par l’IA et conçue pour simuler et explorer des scénarios ”Et si ?” révélant les impacts potentiels de nos décisions sur l’environnement marin), et la mise en place d’un réseau européen de jeunes ambassadeurs pour sensibiliser aux enjeux océaniques.
Renforcer la sécurité maritime
Face à la complexité croissante des menaces en mer, une coordination renforcée s’impose. Le Pacte prévoit notamment une stratégie globale pour éliminer les munitions non explosées des eaux européennes, une coopération accrue avec les États arctiques partageant les mêmes valeurs, le développement d’une flotte européenne de drones pour la surveillance maritime, et le renforcement des partenariats avec l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
Amplifier la diplomatie océanique européenne
L’UE souhaite renforcer son influence internationale pour protéger les océans et promouvoir la coopération multilatérale. Parmi les actions prévues : une approche stratégique renouvelée des accords de pêche internationaux, l’intensification de la lutte contre la pêche illégale grâce à la numérisation du système de certification, le soutien à l’accord sur la biodiversité en haute mer avec 40 millions d’euros de contribution, la négociation pour créer trois vastes zones marines protégées dans l’océan Austral, et l’avancement d’un traité ambitieux contre la pollution plastique.
Pourquoi l'océan mérite notre attention
L’océan joue un rôle fondamental dans l’équilibre de notre planète. Grâce aux courants marins, il redistribue l’énergie solaire de l’équateur vers les pôles et a absorbé environ 90 % de la chaleur excédentaire causée par les émissions de gaz à effet de serre, ralentissant ainsi le réchauffement atmosphérique.
Sa capacité de stockage du carbone dépasse largement celle de l’atmosphère et des écosystèmes terrestres : environ treize fois plus. Depuis les années 1980, il a capté entre un cinquième et un tiers des émissions humaines de CO₂, notamment grâce au phytoplancton et aux écosystèmes côtiers comme les mangroves et les herbiers marins.
Véritable poumon bleu de la planète, l’océan produit également une part considérable de l’oxygène que nous respirons.
Mais ce régulateur climatique atteint aujourd’hui ses limites.
L’excès de CO₂ provoque une acidification des eaux qui menace les écosystèmes marins et réduit l’efficacité de l’absorption du carbone. Les températures record observées jusqu’à 2 000 mètres de profondeur entraînent la fonte des glaces polaires, l’élévation du niveau marin et des vagues de chaleur océaniques deux fois plus fréquentes qu’auparavant.
Protéger l’Océan devient donc impératif : préserver ses écosystèmes vitaux, réduire les pressions humaines et développer de manière responsable les énergies marines renouvelables.
Le regard critique des organisations environnementales sur le Pacte Européen pour l’Océan
Les ONG de protection marine saluent certains aspects du Pacte, notamment l’engagement à renforcer la cohérence et la mise en œuvre des directives Nature et de la loi sur la restauration, l’application du principe de précaution face aux activités destructrices comme l’exploitation minière en eaux profondes et la géo-ingénierie, ainsi que la volonté de conclure un accord international pour encadrer les subventions favorisant la surpêche.
Des lacunes préoccupantes
Malgré ces points positifs, les organisations environnementales identifient d’importantes faiblesses.
Si le Pacte reconnaît l’importance de protéger les océans, il peine à traduire cette ambition en actions concrètes. Le texte évoque la mise en œuvre des législations existantes, mais sans proposer de plan d’action précis ni de calendrier contraignant.
L’omission du Plan d’Action Marin de 2023, qui proposait des mesures opérationnelles pour aligner pêche et protection marine, suscite également des inquiétudes. De même, le secteur de la pêche ne bénéficie d’aucun dispositif pour renforcer sa résilience face au changement climatique et à l’effondrement écologique.
Les organisations environnementales pointent cinq autres lacunes majeures qui devront être comblées pour que la future loi sur l’océan soit véritablement efficace :
- L’absence de stratégie d’élimination progressive du chalutage de fond dans les aires marines protégées
- Le manque d’une feuille de route garantissant la mise en œuvre des objectifs de la Politique Commune de la Pêche, avec des financements suffisants pour leur application
- L’insuffisance d’engagements financiers publics pour la conservation marine et le soutien à la pêche artisanale à faible impact, permettant une transition juste
- L’absence de plan pour réduire la pollution à la source, qu’il s’agisse des plastiques, des nutriments ou des substances chimiques contaminantes
- Le manque d’une vision claire vers une économie bleue régénératrice.
Pour transformer ces intentions en résultats tangibles, la future législation devra intégrer des objectifs juridiquement contraignants et des mécanismes de suivi rigoureux, seuls capables de garantir la protection et la restauration dont nos océans ont besoin.
Le Pacte Européen pour l’Océan marque une étape importante dans la reconnaissance européenne des enjeux océaniques. Il offre un cadre d’ensemble cohérent et pose des ambitions significatives. Cependant, entre les intentions affichées et leur concrétisation, un fossé persiste. Des objectifs clairs, des mesures contraignantes et des financements adaptés sont indispensables pour véritablement protéger les écosystèmes marins et assurer une gouvernance océanique durable. L’Océan façonne nos économies, nos systèmes alimentaires et même l’air que nous respirons. Il mérite mieux que des promesses…
Le pacte Européen pour l'Océan en 5 questions
Qu'est-ce que le Pacte Européen pour l'Océan ?
Le Pacte Européen pour l’Océan est un dispositif présenté par l’Union européenne en juin 2025 lors du sommet des Nations unies pour l’Océan. Il vise à rassembler toutes les politiques européennes touchant à l’océan pour créer une vision d’ensemble cohérente.
Le Pacte prévoit la création d’un Conseil des océans réunissant toutes les parties prenantes, dont les ONG, et fixe des objectifs ambitieux : diviser par deux la pollution plastique avant 2030 et restaurer 20% des écosystèmes marins européens.
Quels sont les six axes prioritaires du Pacte Européen pour l'Océan ?
Le Pacte s’articule autour de six domaines d’action :
(1) préserver et régénérer la santé marine avec le développement de zones de protection et de réserves de carbone bleu,
(2) développer une économie bleue compétitive et responsable en révisant la Politique Commune de la Pêche,
(3) accompagner les territoires maritimes côtiers et insulaires,
(4) faire progresser la connaissance océanique avec un jumeau numérique de l’océan d’ici 2030,
(5) renforcer la sécurité maritime, et
(6) amplifier la diplomatie océanique européenne, notamment par la lutte contre la pêche illégale.
Pourquoi l'océan est-il essentiel dans la lutte contre le changement climatique ?
L’océan a absorbé environ 90% de la chaleur excédentaire causée par les émissions de gaz à effet de serre, ralentissant le réchauffement atmosphérique. Sa capacité de stockage du carbone est treize fois supérieure à celle de l’atmosphère et des écosystèmes terrestres.
Il produit également une part considérable de l’oxygène que nous respirons, d’où son surnom de « poumon bleu » de la planète.
Pour approfondir la question, consultez notre article dédié « Ce qu’il faut savoir sur ce lien indéfectible entre Climat et Océan«
Quelles sont les principales critiques des ONG sur le Pacte Européen pour l'Océan ?
Bien que les ONG saluent certaines avancées, elles identifient d’importantes lacunes.
Le Pacte peine à traduire ses ambitions en actions concrètes avec un calendrier contraignant. Les organisations pointent notamment : l’absence de stratégie pour éliminer le chalutage de fond dans les aires marines protégées, le manque de financements pour la conservation marine et la pêche artisanale, l’absence de plan pour réduire la pollution à la source, et le manque de vision claire vers une économie bleue régénératrice.
Des objectifs juridiquement contraignants sont nécessaires pour garantir l’efficacité du dispositif.
Quelle est l'importance économique de l'océan pour l'Europe ?
L’Union européenne dispose de la plus vaste zone maritime collective mondiale, avec près de 70 000 kilomètres de littoral et 40% de sa population installée à proximité des côtes.
Les activités liées à l’océan génèrent 250 milliards d’euros de richesse économique, incluant la pêche, l’aquaculture, le transport maritime, le tourisme côtier et les énergies marines renouvelables.
Ces secteurs économiques ne peuvent cependant prospérer durablement que si l’océan reste en bonne santé, d’où l’importance cruciale du Pacte Européen pour l’Océan.