La COP30 : un rendez-vous crucial, 10 ans après les accords de Paris
Depuis 2 jours (le 10/11/2025), le monde a les yeux rivés sur Bélem, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Le choix de cette ville n’est pas anodin : en pleine forêt amazonienne, elle incarne les défis que cette COP30 devra relever.
Cette conférence climat s’annonce déterminante, d’autant plus qu’elle intervient dix ans après l’adoption de l’Accord de Paris. C’est donc le moment idéal pour dresser un bilan sans complaisance, évaluer notre capacité à faire face aux enjeux climatiques actuels et à venir, mais aussi aborder les questions cruciales de justice sociale, bioéconomie et protection des écosystèmes amazoniens.
Mais derrière ces thématiques se cache une question bien plus urgente : sommes-nous capables de transformer nos modèles économiques et énergétiques pour limiter le réchauffement à 1,5°C ?
C’est tout l’objet de cette COP qui marque également le renouvellement des plans climat de tous les pays. Chaque État a du, en amont de cet événement, soumettre de nouveaux engagements de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2030 – des contributions déterminées au niveau national (CDN) qui se sont d’ailleurs longtemps fait attendre.
Au cœur des négociations de cette nouvelle COP, une notion fondamentale : la justice climatique et la question du financement. Les pays du Nord doivent assumer leurs responsabilités historiques et financer la transition et l’adaptation des pays en développement. Ces nations, qui ne sont responsables que de moins de 5% des émissions historiques, subissent de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique. Or, les 300 milliards de dollars de financements publics promis en 2024 ne sont toujours pas sur la table – et restent de toute façon largement insuffisants face aux besoins réels.
Cette question financière sera traitée au même titre que deux autres enjeux majeurs de la COP30. D’une part, le renforcement des liens entre climat, biodiversité et lutte contre la déforestation – trois combats indissociables pour la préservation de notre planète. D’autre part, la concrétisation d’une sortie juste et équitable des énergies fossiles, qui implique d’accompagner les pays du Sud dans cette transition tout en garantissant le respect des droits humains, le consentement des populations locales et la réduction des inégalités.
Comprendre les COP : origines, fonctionnement et portée
Pour saisir pleinement l’importance de ce rendez-vous de Bélem, il faut revenir aux fondements même des COP. Leur histoire commence en 1992, lors du Sommet de la Terre à Rio. Face aux alertes répétées de la communauté scientifique sur la gravité du réchauffement climatique, les États membres de l’ONU décident de créer la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). L’objectif : enfin agir à l’échelle planétaire face à une menace qui ne connaît pas de frontières.
C’est dans ce cadre que naissent les COP – les Conférences des Parties –, une forme d’organisation propre à certaines conventions internationales sur les changements climatiques. Depuis 1995, ces conférences se tiennent chaque année sous la direction de l’ONU, avec une mission claire : réunir les États pour fixer des objectifs environnementaux communs et adopter des textes qui orientent l’action climatique mondiale. En somme, établir des normes et des objectifs partagés face à l’urgence climatique.
Il existe en réalité trois COP distinctes : une sur la biodiversité, une sur la lutte contre la désertification, et – la plus importante – celle sur les changements climatiques. Cette dernière a pris une dimension particulière depuis 2016, avec l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris. Depuis cette date, la réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA – Conference of the Parties serving as the meeting of the Parties to the Paris Agreement) est convoquée conjointement aux COP et aux CMP. C’est pourquoi l’événement de Bélem porte le nom complet de COP30/CMP20/CMA7.
En amont de chaque COP, une pré-COP rassemble les ministres de l’environnement ou de l’énergie d’une cinquantaine de pays, dont les représentants des principaux groupes de négociations. Cette réunion informelle permet de préparer le terrain, d’identifier les points de blocage et de dégager des orientations pour les négociations officielles qui réunissent 198 états (197 paus et l’Union Européenne).
Outre les états au cœur des négociations, les COP accueillent également une multitude d’acteurs non étatiques : ONG, jeunes, entreprises, syndicats, peuples autochtones, scientifiques… Cette diversité est essentielle pour enrichir les débats. Depuis 1998, le GIEC apporte même son expertise scientifique en tant qu’organe consultatif, garantissant que les décisions s’appuient sur les meilleures connaissances disponibles. Les observateurs et observatrices peuvent assister aux discussions (quand les États l’autorisent) et parfois prendre la parole, jouant ainsi un rôle de veille et de contre-pouvoir.
Il est crucial de comprendre que les COP ne sont pas des événements isolés, détachés du reste de l’année. Elles s’inscrivent dans une dynamique internationale continue, rythmée par des rapports scientifiques, des négociations intermédiaires et des mobilisations citoyennes. Elles ne règlent certes pas tout d’un coup – et il serait naïf de l’espérer –, mais elles demeurent des moments clés pour faire avancer l’action climatique collective et maintenir la pression sur les décideurs.
L'Accord de Paris : le cadre juridique de l'action climatique
Impossible de parler des COP sans évoquer l’Accord de Paris, adopté lors de la COP21 en 2015 et ratifié à ce jour par 194 Parties (193 États et l’Union européenne). Cet accord représente une étape historique : il constitue le premier cadre juridiquement contraignant d’action contre les changements climatiques à l’échelle mondiale. Pour Surfrider et tous les défenseurs de l’Océan, un véritable “pas en avant” a été fait lorsque le mot « Océan » a été intégré au préambule, reconnaissant enfin le rôle central des écosystèmes marins dans la régulation du climat.
L’Accord de Paris repose sur quatre volets complémentaires. Le premier établit un cadre universel de règles et de mécanismes visant à maintenir le réchauffement sous la limite des 2°C, et si possible 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Cette ambition ne peut se concrétiser sans le deuxième volet : les contributions déterminées au niveau national (CDN). En amont de la COP21, chaque pays a dû publier une contribution présentant ses efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec l’obligation de réviser ces engagements à la hausse tous les cinq ans – d’où l’importance cruciale de la COP30 cette année.
Le troisième volet, financier, vise à soutenir les pays en développement et à financer la transition vers des économies bas-carbone et résilientes. Nous l’avons vu, c’est un point particulièrement sensible et encore insuffisamment honoré. Enfin, le quatrième volet renforce les engagements des acteurs de la société civile et non étatiques (villes, régions, entreprises, associations…) à travers les initiatives multipartenariales de l’Agenda de l’action. Car la lutte contre le dérèglement climatique ne peut reposer uniquement sur les États : elle doit mobiliser l’ensemble de la société.
Nos espoirs pour cette COP30
Le rôle indispensable de la société civile
Si la société civile joue un rôle aussi central dans les COP, c’est parce qu’elle remplit deux fonctions essentielles. D’une part, elle alerte l’opinion publique sur les enjeux internationaux du climat, traduisant des négociations souvent techniques en messages accessibles au plus grand nombre. D’autre part, elle exerce une vigilance constante sur les bonnes et mauvaises pratiques des États et des entreprises, empêchant que les belles promesses ne restent lettre morte. Pourtant, malgré ce rôle indispensable, la participation de la société civile aux COP demeure compliquée, entre accès limité aux salles de négociation et moyens souvent insuffisants.
Les espoirs de Surfrider pour cette COP30
Cette COP30, 10 ans après les Accords de Paris, suscite des attentes d’autant plus importantes qu’elle intervient à un moment charnière !
En premier lieu, il semble que, plus que jamais, l’accent doit être mis sur la priorité absolue : sortir des énergies fossiles, notamment l’exploitation pétrolière et gazière offshore. Cette sortie doit s’accompagner d’un virage vers la sobriété – énergétique certes, mais pas seulement : tout notre modèle de consommation et de production doit être repensé.
Faisant écho à cela, nous espérons qu’à la fin de cette COP30, la Transition Juste soit définie comme étant un véritable pilier de l’ambition climatique : les réflexions en lien avec la transition doivent être basées sur les droits, sur l’inclusion et l’équité entre les pays mais aussi prendre en compte que nous ne sommes pas tous égaux face au défi climatique.
Nous espérons également que les solutions fondées sur la nature (SFN) seront intégrées dans la révision des NDC, dans la lignée du Blue NDC Challenge lancé par la France et le Brésil à l’UNOC. Comme chaque année, la Plateforme Océan et Climat (POC) publiera un rapport sur ce sujet crucial. L’enjeu est de taille : l’adaptation sera au cœur des discussions, car il s’agit de définir des indicateurs concrets pour que les États puissent mettre en œuvre l’adaptation sur leur territoire. Les SFN, en protégeant et restaurant les écosystèmes naturels, constituent un levier majeur pour renforcer la résilience face aux impacts climatiques.
Autre sujet brûlant qui ne peut plus être évacué : le financement de l’adaptation. L’échec de Bakou l’année dernière ne doit pas se répéter. Il ne s’agit pas d’un sujet secondaire qu’on peut remettre à plus tard, mais d’une question de survie pour des millions de personnes dans les pays les plus vulnérables.
Au-delà de ces points spécifiques, nous appelons à une approche plus intégrée des défis environnementaux. Il est temps que soient tissés des liens plus forts entre les différentes COP (climat, biodiversité, BBNJ) et potentiellement avec le traité sur le plastique. Cette convergence est une nécessité écologique : la production mondiale de plastique représente 5% des émissions de gaz à effet de serre, et cette production pourrait tripler d’ici 2050. En faisant converger ces enjeux, nous ferions d’une pierre deux coups, traitant simultanément la pollution plastique et les émissions de GES.
Enfin, pour l’avenir des COP, un chantier s’impose : l’encadrement de la participation des lobbies. Trop souvent, les intérêts des industries fossiles et autres acteurs économiques peu scrupuleux pèsent sur les négociations, diluant l’ambition climatique. Une régulation plus stricte de leur présence permettrait des débats plus sains et des décisions plus courageuses.
Il est temps d'agir
La COP30 se tient à un moment critique : à cinq ans de l’échéance de 2030, il est plus qu’urgent de réorienter la trajectoire climatique mondiale. Les rapports scientifiques se succèdent, toujours plus alarmants, et la fenêtre pour maintenir le réchauffement sous 1,5°C se referme rapidement. Nous n’avons plus le luxe de l’attente ou des demi-mesures.
Dans ce contexte tendu, ponctué par des tensions géopolitiques et des reculs démocratiques importants dans certains pays, nous devons absolument rester mobilisé.e.s. Citoyen.ne.s, ONG, entreprises responsables, scientifiques : nous avons tous un rôle à jouer pour maintenir la pression sur les décideurs. Car sans cette vigilance collective, sans cette exigence constante, les gouvernements pourraient être tentés de relâcher leurs efforts ou de céder aux sirènes du court-termisme.
La COP30 n’est pas une fin en soi, mais une étape sur un long chemin. Son succès se mesurera non pas aux belles déclarations prononcées à Bélem, mais aux actions concrètes qui suivront dans les mois et années à venir. À nous de rester vigilants et mobilisés pour que les promesses se transforment enfin en réalité.