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« Our Water, Our life », entretien avec Hiromi Matsubara directrice exécutive de Surfrider Foundation Japon

La catastrophe de Fukushima a permis à Surfrider Foundation Japon de réaffirmer ses objectifs de protection des océans, des vagues et des plages. L’association s’est ainsi rapidement mobilisée afin de trouver des solutions concernant la pollution engendrée par le tsunami.

À l’occasion de la Global Wave Conference qui s’est déroulée les 24 et 25 octobre 2011, il n’était pas négligeable de dresser un bilan de la catastrophe. Pour cela nous avons rencontré Hiromi Matsubara, directrice exécutive de Surfrider Japon, que nous avions déjà interrogé en Juin dernier.

Quelle est aujourd’hui l’avancée du nettoyage des plages ? Concernant la présence des débris dans l’eau et sur les plages, quelle en est la situation actuelle ?

Les nettoyages des plages ont été effectués par des surfeurs locaux et par toute personne aimant l’océan, avec l’aide de notre association. Cela a permis de venir en aide à la communauté, en ramassant les nombreux débris qui se trouvaient sur les plages. Certains ont pu être ramassés d’autres non. Il a fallu beaucoup de temps et de patience pour nettoyer entièrement ces plages mais aujourd’hui ces régions sont parfaitement propres. Cependant, certaines, comme celle de Sendai, prendront certainement plus de temps, dans la mesure où la route et les accès aux plages sont interdits au public. Il y a encore de nombreux containers sur le sable et nous avons besoin que la municipalité soutienne notre projet. Mais pour le moment, la priorité est bien sûr d’aider la communauté à reprendre une vie normale, à reconstruire les routes et à reloger les sinistrés. La situation s’améliore donc de jour en jour, mais pour autant la plupart des plages restent désertes, les gens ayant encore peur et n’étant pas prêts à retourner dans l’eau.

Est-ce que le nettoyage de plages effectué par les volontaires présentait un danger pour leur santé ?

C’est une question délicate que nous nous sommes bien évidemment posée. Quand le tsunami a frappé le Japon, personne ne savait alors quels seraient les impacts sur l’environnement et dans quelle mesure l’eau, le sol et le sable seraient contaminés. Nous avions peur d’envoyer des volontaires pour nettoyer les plages malgré l’urgence de la situation. Nous ne voulions pas prendre le risque qu’ils tombent malades. Mais si les bénévoles, de leur propre initiative, souhaitaient se rendre sur place pour nettoyer les plages, bien sûr, nous étions là pour leur apporter notre aide. Ce fut difficile à organiser dans la mesure où nous ne pouvions garantir que chaque nettoyage était sûr.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre nouveau projet « Our water Our life » ?

Notre nouvelle campagne appelée « Our water, Our life » a pour objectif de permettre une prise de conscience concernant l’état de notre océan, qui se retrouve aujourd’hui potentiellement contaminé par la radioactivité, mais également qui est aussi pollué par le plastique et autres produits chimiques déjà présents dans l’océan. Nous avons nommé ce projet « Our water, Our life » et non « our beach » ou « our ocean » car nous souhaitons que ce projet concerne le plus grand nombre.

Cela a pris plus longtemps que nous le pensions pour lancer notre campagne. C’est une catastrophe de telle ampleur que cela allait bien au-delà de notre domaine de compétence. Au départ la campagne a été lancée par des surfeurs concernés par l’état des océans et les conséquences que cela pourrait avoir sur leur santé mais aussi celle de leur enfant. À l’heure actuelle, on ne peut dire quand ils pourront repartir surfer ou seulement retourner à la plage.

Les objectifs de notre projet sont fondés sur la recherche d’informations fiables et de sources auxquelles nous pouvons faire confiance. Il ne s’agit pas seulement de l’océan et des plages, nous voulons créer une sensibilisation autour de la qualité de l’eau en général, car tout est connecté. Ce qui est dans l’air ou dans le sol peut éventuellement se retrouver dans l’océan. Cela va être une longue bataille, il nous faudra surveiller l’état des océans pendant des années.

Un concept sous-jacent à ce projet est d’amener des gens à pratiquer des activités de plage, leur permettre de rejoindre la communauté déjà présente et cela afin de créer un environnement sain et attrayant sur le littoral. Malheureusement, au Japon, surfer n’est qu’un loisir, ce n’est pas un sport professionnel et ce n’est donc pas une priorité. Mais nous pensons que si chaque personne vivant à proximité de la côte peut se sentir concernée d’une manière ou d’une autre par la pollution de l’eau et des océans, alors peut-être nous pourrions avoir un réel impact. Nous voulons cibler ces personnes et en particulier les enfants en les éduquant et en les sensibilisant sur les problématiques environnementales. Nous ne voulons pas seulement interpeller les surfeurs, nous voulons aller au-delà, pour apprécier ce que jusqu’à aujourd’hui nous tenions pour acquis.

Quelles méthodes utilisez-vous ? Avez-vous des premiers résultats à nous donner ?

Nous travaillons avec des laboratoires et des experts qui surveillent et effectuent des recherches sur le dosage de radiations dans l’océan. Pour le moment, sur les trois échantillons de données que nous avons recueillis aucune trace de radiations n’a été détectée. Cependant nous ne pouvons être certains de ces résultats, ils pourraient être différents demain. Comme nous le savons tous, notamment en tant que surfeurs, l’océan est toujours en mouvement.

Nous surveillons actuellement trois spots de surf, deux à Ibaragi (à environ100 kmau sud de Fukushima) et le troisième à Chiba (à250 kmde Fukushima), où je vis actuellement et où j’ai, ou du moins, avais l’habitude de surfer. Nous avons sélectionné ces trois endroits car nous voulions être sûrs de mobiliser le plus de personnes. À Ibaragi notamment, nous avons des militants désireux de tester et de connaitre la qualité de l’océan dans lequel ils surfent habituellement.

Nous avons récemment mené des recherches à Sendai, actuellement ce spot est interdit et les accès à la plage ont été bloqués. Personne ne peut s’y rendre, on trouve encore de nombreux containers sur le sable et il reste sans doute des débris de la catastrophe dans l’eau.

Certains résultats nous sont parvenus peu de temps avant mon départ du Japon, il y a quelques semaines. Aucune trace de radiations n’est apparue dans les tests, mais comme la zone a été touchée par le tsunami, des produits chimiques et des débris se sont retrouvés dans l’eau. Certains surfeurs n’ont pas pu résister à l’envie de surfer et bien entendu sont tombés immédiatement malades. Cela a confirmé le fait que l’océan était bel et bien contaminé même si heureusement il ne s’agit pas de radioactivité. Nous espérons surveiller dans les mois à venir une dizaine de spots dont ceux se situant près de Fukushima.

Mais cela étant dit, nous restons prudents concernant la publication de ces données, nous estimons qu’il est important de le faire étant donné que le gouvernement n’agit pas. Mais nous ne voulons pas que les personnes retournent à l’eau seulement en fonction des résultats que nous avons. Nous l’avons toujours dit, nous ne sommes pas experts dans ce domaine et il n’y a donc aucune garantie. Nous voulons juste que les personnes aient accès aux informations.

La situation n’est pas aussi dramatique que nous le pensions, mais nous avons aujourd’hui besoin de surveiller et tester le sable ainsi que les fonds marins. Nous essayons de comprendre ce qui provoque l’accumulation de radiations dans l’eau et ses effets sur l’environnement marin. Pour ce faire nous avons besoin de continuer à utiliser une approche scientifique afin d’obtenir des perspectives différentes. C’est un grand défi pour nous de créer ce lien avec le monde scientifique.

Combien vous coûte un échantillon ?

Un échantillon coûte environ 350 euros ce qui n’est pas excessif. Cependant nous venons de découvrir que seulement un certain type d’isotope radioactif  peut être détecté lors des tests effectués. Lorsque nous avons demandé aux laboratoires avec lesquels nous travaillons pourquoi, ils n’ont expliqué que le matériel avec lequel ils travaillent n’est pas conçu pour ce genre de recherches. Ils n’étaient pas préparés pour cela, la situation allant bien au-delà de ce que l’on pouvait imaginer. Des recherches plus poussées seraient possibles mais cela coûterait dix fois plus cher et nous n’avons pas actuellement ce budget.

Quelle politique soutenez-vous avec votre campagne ?

Je pense que nous avons tous du mal à savoir qu’elle est la situation réelle aujourd’hui. Le gouvernement malgré les conséquences indéniables de la catastrophe ne partage toujours par les informations auxquelles nous devrions tous avoir accès. Nous ne connaissons donc pas la vérité concernant l’impact réel de tsunami.

D’un côté on nous dit que tout va bien mais de l’autre force est de constater que ce n’est pas le cas. Nous devons donc avoir notre propre jugement et décider ce en quoi croire. C’est une situation plutôt délicate car personne avant n’avait vécu ce genre de situation, de plus il n’y a pas assez de scientifiques pour fournir des preuves et mener des recherches.

Nous sommes à une époque où les moyens de communication sont multiples, il est donc important que les gens puissent avoir accès à des informations fiables. Nous ne voulons pas nous opposer au gouvernement ou aux partis politiques. Nous voulons seulement souligner que leur comportement concernant le partage des informations est irresponsable. Si au départ ils avaient agi nous n’aurions pas eu à lancer cette campagne. Pour autant nous essayons d’agir de manière positive, afin d’éviter la confrontation et trouver des solutions. S’opposer à eux et les critiquer n’est pas une solution et ne permettra pas à la situation d’évoluer.

Je ne veux pas perdre mon temps et ma passion en étant négative. La situation dans laquelle nous sommes est bien assez difficile. Nous devons aujourd’hui gagner le soutien du public afin de créer une vraie prise de conscience. Si nous devenons la voix des citoyens, nous gagnerons en crédibilité et peut-être alors nous obtiendrons l’attention du gouvernement et du reste du monde.

Nous devons essayer de trouver la vérité en vue de trouver une solution. C’est un combat très difficile, mais quelqu’un doit le faire et j’espère que nous parviendrons à mobiliser les gens. Si nous agissons ensemble, si nous réunissons nos efforts alors nous espérons voir les choses évoluées.

Vous avez pris part à la Global Wave Conference les 24 et 25 octobre, en intervenant sur l’état des zones affectées par le tsunami. Quelles sont aujourd’hui vos attentes suite à cette conférence ?

En venant à cette conférence je voulais partager notre histoire mais aussi recueillir des fonds pour les tests. C’était aussi l’occasion de nous rassembler afin de partager notre passion et notre envie de protéger les océans. Cette catastrophe pourrait se produire n’importe où et nous devons nous soutenir et apprendre les uns des autres.

Je sais que nous avons tous nos propres enjeux et priorités, mais j’espère pouvoir toucher les gens et obtenir leur soutien. Si nous apprenons de nos erreurs, nous serons prêts à l’avenir si une situation comme celle-ci devait se reproduire. Si les personnes présentes à la conférence pouvaient garder un temps notre histoire en mémoire et nous aider à la relayer, alors la situation pourrait peut-être évoluer et devenir meilleure.

Pour plus d’informations sur « Our water, Our life » : http://surfrider.jp/en/

 

 

Hiromi Matsubara presents Our Water Our Life par SurfriderEurope