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Yves Parlier : tracter les bateaux avec des cerfs volants

Une fois par mois, Surfrider vous propose de découvrir un projet qui oeuvre pour la protection des océans . Ce nouveau format Outside présente des initiatives extérieures ayant des valeurs communes à l’organisation. Rencontre avec ces porteurs de projets engagés.

Yves Parlier, navigateur français de renommée mondiale, a cumulé titres et récompenses tout au long de sa carrière sportive. En 2001, il avait suscité l’admiration en réparant son mât, en pleine mer, pour boucler le Vendée Globe. Aujourd’hui, le skipper aguerri met son savoir-faire en faveur de la protection de l’océan et innove grâce à un système de propulsion de navire par cerfs volants.

En quoi consiste votre projet

Yves Parlier: Pendant des millénaires, les bateaux ont utilisé la force du vent pour avancer, avant d’être envahis par les moteurs à combustion. Nous souhaitons revenir à l’exploitation de cette ressource grâce à la traction des navires par cerfs volants. L’idée est de créer une hybridation de la propulsion pour une économie de 20 % de carburant. Le but, à terme, est de ne plus utiliser d’énergie fossile.

Tout d’abord, nous avons lancé nos recherches, en s’intéressant aux bateaux de toutes tailles. Nous avons mis au point des LybertyKite, un modèle très simple, qui peut remorquer des bateaux de petites tailles, entre 4 et 12 mètres, plus si on accumule les dispositifs. Actuellement, nous travaillons sur des systèmes plus compliqués, plus sophistiqués et performants, équipés de pilotages automatiques, pour des navires plus conséquents. Plusieurs partenaires nous aident et nous accompagnent dans nos démarches dont des écoles d’ingénieurs, des laboratoires, des industriels comme la société Porcher qui fabrique le tissu etc. Dans nos locaux à La Teste de Buche, nous nous occupons de la conception des cerfs volants, de la fabrication et du pilotage automatique, facilitant le travail de l’équipage.

Pour ce projet, il est très important que le système ne soit pas un frein lorsqu’il n’y a pas de vent, qu’il soit trop faible, trop fort ou mal orienté. Sur un voilier par exemple, lorsqu’il n’y a pas de bonnes conditions, les mâts et les haubans ralentissent le bateau. Le kyte a donc l’avantage de ne prendre peu de place sur le bateau, de faire du vol dynamique, de voler 5 fois plus vite que le vent et tirer 20 fois plus qu’une voile normale.

Pour l’instant nous avons deux bateaux démonstrateurs, un bateau de pêche au Québec et un catamaran, l’Energy Observer (entièrement dédié aux énergies renouvelables et à l’hydrogène) qui utilisent notre technologie. A terme, notre partenaire la CMA CGM, 3ème transporteur mondial de conteneur, espère équiper une partie de sa flotte, composée de 450 navires, dès que le système sera au point.

Quelle a été la motivation première du projet ? Qu’est-ce qui vous a poussé à agir ?

J’ai arrêté ma carrière sportive en 2006. Lors de mes différentes compétitions, je me suis beaucoup intéressé à la problématique des énergies renouvelables. D’ailleurs, j’ai réalisé un premier tour de monde, un Vendée globe en 1996-1997, sans aucune énergie fossile à bord. Je me suis toujours préoccupé de l’aspect « en amont » de la course : la conception des bateaux, le rouage, la météo … Cette réorientation de ma carrière a été le fruit de cette réflexion : comment mettre à profit le savoir accumulé, par rapport aux problèmes environnementaux, pour trouver des solutions à l’émission de carbone ?

Quel a été le point fort de votre expérience ?

En 2007, je passais pour un fou ! La première réunion avec la CMA CGM a presque mal tourné. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup évolué : la faisabilité du dispositif ne pose plus question et la législation va bouger, notamment avec l’OMI qui veut agir et servir sur les émissions de la marine marchande d’ici 2050… Les prix des carburants vont connaitre une inflation considérable, ce qui va alourdir la dépense première de tous les armateurs. Plus que jamais, ils vont être à la recherche d’économie … un grand pas pour la planète, et pour nous.

Maintenant, il faut que les clients (les chargeurs) mettent davantage la pression sur les armateurs pour avoir un transport plus propre. Il faut aussi alerter l’opinion publique pour que ce mouvement de recherche s’accélère et trouver des solutions avec cette énergie formidable qu’est le vent, gratuite et inépuisable. Dans la navigation, l’immensité du progrès est facilement constatable. Par exemple, en 1960, le vainqueur du premier transatlantique a mis 40 jours … Aujourd’hui, c’est le temps mis pour un tour du monde en solitaire. Ce progrès doit avoir lieu maintenant pour la marine marchande, avec des enjeux financiers beaucoup plus importants que ceux engagés dans la course. Mais c’est évident que le progrès va avoir lieu et il le faut.

Un message à faire passer ? Un autre projet en tête ?

Aujourd’hui nous sommes confiants pour la traction des porte-conteneurs et des bateaux de grandes tailles. Il y a encore des verrous technologiques à lever et il faut réunir des budgets de recherches importants. Nous y croyons dur comme fer et avons toutes les raisons d’y croire !

Le projet d’Yves Palier s’inscrit dans la transition écologique du transport maritime et encourage les armateurs à entamer leur virage écologique. Tout comme les actions menées par Surfrider, ce projet oeuvre pour le changement, vers un transport maritime propre et responsable. Bien que partielle aujourd’hui, la traction par cerfs volants des bateaux est une solution durable et très encourageante.